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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

dont elle soutient la prospérité en lui demandant des retours, il faut sacrifier celles des productions indigènes qui ne peuvent être offertes sur le marché national à plus bas prix que les produits similaires de l’étranger. Dans un pays éminemment industriel, obligé de vendre beaucoup au dehors, parce qu’il ne saurait trouver de bénéfices qu’après le placement d’une immense quantité de produits, tel est en effet le dernier mot de cette logique des faits et des intérêts que l’on appelle la force des choses. Toutes les forces productrices doivent s’y amasser, s’y concentrer autour des industries qui, capables d’une extension indéfinie, placent leurs produits plus facilement et avec plus de profits sur les marchés extérieurs, abandonnant celles qui ne pourraient soutenir sur le marché intérieur la concurrence étrangère. De là naissent ces grandes luttes entre les intérêts producteurs d’un même pays, dont nous voyons aujourd’hui un exemple gigantesque dans le conflit engagé entre les intérêts manufacturier, commercial et maritime d’un côté, et l’intérêt agricole de l’autre, au sujet des lois sur les céréales. Les pétitionnaires faisaient aussi entrevoir comme résultat possible de la politique qu’ils conseillaient, et ce n’était certainement pas celui qui les préoccupait le moins et qui flattait le moins leurs espérances, l’influence de l’exemple de l’Angleterre pour la propagation des principes de la liberté commerciale parmi les nations étrangères. On le voit, les intérêts qui dictaient la pétition de 1820 n’ont pas varié depuis, les questions posées alors pour la première fois sont encore pendantes.

Néanmoins, parmi les hommes qui étaient au pouvoir à cette époque, les idées exprimées par cette pétition avaient déjà de zélés et habiles partisans[1]. Lorsqu’ils virent les premiers négocians de Londres apporter à ces idées la sanction de leur expérience, le moment leur sembla venu de les faire passer dans la pratique. Une commission parlementaire, nommée pour examiner la pétition, en recommanda au gouvernement les vues générales, et même désigna à son attention celles des parties de la législation douanière et commerciale qui appelaient une plus prompte réforme.

Ce fut le célèbre M. Huskisson, placé peu de temps après à la tête du bureau du commerce, qui eut l’honneur d’attacher son nom aux mesures par lesquelles fut inaugurée la politique nouvelle. On se tromperait fort néanmoins si, sur la foi des éloges que lui ont prodigués les économistes, on regardait ce grand homme d’état comme

  1. Lord Liverpool, M. Canning, M. Huskisson, M. Robinson (lord Ripon).