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avec la France une alliance intime, fit à cette occasion dans la chambre des communes son maiden speech, et signala son début politique par de véhémentes attaques contre notre pays. En revanche, le langage des tories, se faisant les prôneurs de l’alliance française, n’est pas moins curieux. Il est douteux que sir Robert Peel, s’il obtenait de la France un traité de commerce, eût pour nous des paroles plus bienveillantes, plus mielleuses, que celles que M. Pitt prononçait en 1787, deux ans seulement avant la révolution. « On emploie l’expression de jalousie, » répondait-il à M. Fox, à M. Burke, à M. Grey, qui proclamaient que l’Angleterre devait éternellement se défier de la France ; « que veut-on dire ? conseille-t-on à ce pays une jalousie insensée ou aveugle, une jalousie qui lui fasse rejeter follement ce qui doit lui être utile, ou accepter aveuglément ce qui doit tourner à sa ruine ? La nécessité d’une animosité éternelle contre la France est-elle donc si bien démontrée et si impérieuse, que nous devions lui sacrifier les avantages commerciaux que nous pouvons espérer de nos bons rapports avec cette nation ? ou bien une union pacifique entre les deux royaumes est-elle quelque chose de si funeste, que l’accroissement de notre commerce ne soit pas une compensation suffisante ? Les querelles de la France et de la Grande-Bretagne ont duré assez long-temps pour lasser ces deux grands peuples. À voir leur conduite passée, on dirait qu’ils n’ont eu d’autre but que de s’entre-détruire ; mais, j’en ai confiance, le moment approche où, se conformant à l’ordre providentiel, ils montreront qu’ils étaient mieux faits pour des rapports de bienveillance et d’amitié réciproques. — Je n’hésiterai pas à combattre, s’écriait-il ailleurs, la doctrine trop souvent soutenue, que la France sera éternellement l’ennemie de la Grande-Bretagne. Il est puéril et absurde de supposer qu’une nation soit l’ennemie inaltérable d’une autre nation. Cette opinion n’a de fondement ni dans la connaissance de l’homme, ni dans l’expérience des peuples. Elle calomnie la constitution des sociétés politiques, et attribue à la nature humaine un vice infernal[1]. »

Le traité de 1786 avait été conclu pour douze ans ; lorsque la guerre le rompit, en 1793, la plupart des prévisions de M. Pitt s’étaient déjà réalisées. Durant les six années qu’il demeura en vigueur, les exportations de l’Angleterre dépassèrent toujours de plus du double la valeur des importations françaises[2]. Aucun in-

  1. Parliamentary History, t. XXVI, pag. 392.
  2. Mac Pherson’s Annals of commerce.