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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

au moment où il allait peut-être exercer sur les intérêts français une influence décisive et irrémédiable, en font un des actes diplomatiques les plus importans de l’histoire moderne. Il était conçu, on le sait, dans l’esprit le plus libéral (pour parler comme les économistes) qui ait jamais inspiré une convention de cette nature, libéral envers la production anglaise, veux-je dire, car la concession que l’Angleterre faisait sur nos vins (le plus grand et presque le seul avantage qui fût accordé à la France) se bornait à les admettre aux mêmes droits que les vins de Portugal, en faveur desquels devaient demeurer d’ailleurs et les vieilles habitudes de l’importation, et la prédilection, fortifiée par un long usage, des plus riches consommateurs. Sur les produits manufacturés, au contraire, à l’égard desquels la supériorité de l’Angleterre était incontestable, les tarifs étaient abaissés avec une générosité dont l’honneur ne revenait assurément qu’à la France. Ainsi, la quincaillerie, la coutellerie, les aciers, les fers, les cuivres ouvrés, ne devaient payer qu’un droit ad valorem, de 10 pour 100. Les tissus de laine et de coton (excepté ceux où la soie serait mêlée, restriction désavantageuse à la France) étaient admis à 12 pour 100 ad valorem, de même que les poteries et les porcelaines. Les articles de sellerie étaient portés à 15 pour 100, et c’était le droit le plus élevé.

Les économistes persuaderont difficilement que ce traité, le dernier acte par lequel l’ancienne monarchie ait marqué son intervention dans la conduite des intérêts matériels de notre pays, dût être profitable à la France. Quant à l’Angleterre, la faveur avec laquelle il y fut accueilli par la population et les souvenirs qu’il y a laissés ne permettent pas de douter qu’elle n’eût de justes raisons de s’en louer. M. Pitt n’eut pas de peine à en trouver d’excellentes pour lui faire obtenir l’approbation de la chambre des communes. Le discours où il les présenta renferme plusieurs passages qui ne seront pas rappelés sans utilité, ni lus sans intérêt. Il fit, avec l’emphase orgueilleuse d’un chant de triomphe, l’énumération des résultats qu’il attendait de ce traité ; il semblait ne pouvoir féliciter assez son pays des avantages inespérés que presque au lendemain de cette guerre de l’indépendance américaine dans laquelle la France avait porté tant de coups à l’Angleterre, une ennemie si formidable et si récente venait lui offrir. « C’est, disait-il, pour un Anglais non-seulement une consolation, mais un sujet de joie, de penser qu’après avoir été engagé dans la lutte la plus difficile qui ait jamais menacé l’existence d’une nation, l’empire britannique a maintenu si fermement son rang et