On entend les plaintes du cyclope ; on le voit paraître tout sanglant. À son aspect éclatent des railleries, d’insultantes risées, dont Homère a encore fourni le texte :
Qu’as-tu donc à crier, Cyclope ?
C’est fait de moi.
Tu es affreux à voir.
Et bien malheureux.
Est-ce que, dans ton ivresse, tu serais tombé parmi les charbons ardens ?
L’auteur de mon mal, c’est Personne.
Nul ne t’a donc maltraité ?
Je te dis qu’on m’a crevé l’œil, et que c’est Personne.
Tu n’es donc point aveugle ?
Puisses-tu l’être aussi peu que moi !
Mais comment, par le fait de personne, devenir aveugle ?
Tu me railles ! Mais où est-il, Personne ?
Nulle part, cyclope.
Polyphème veut à son tour se venger de ses bourreaux ; il demande où ils sont : — à droite, à gauche, de ce côté, de cet autre, répond le chœur, continuant à se jouer de sa rage impuissante ; et sur ses malignes indications, le monstre stupide va se heurter rudement la tête contre les rochers. Ce n’est plus la caricature d’Œdipe, mais celle de Polymestor poursuivant dans l’ombre la troupe fugitive des Troyennes.
Enfin retentit à son oreille la voix d’Ulysse, qui, cette fois, se donne son véritable nom. Polyphème reconnaît dans cette aventure l’accomplissement d’une prédiction qui lui fut autrefois adressée, et