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la grossièreté du récit, où les héros d’Homère étaient représentés se jetant à la tête, il faut bien dire le mot que n’a pas évité le grave Sophocle, des pots de chambre ! J’aime à croire que l’Odyssée n’était pas aussi salie que l’Iliade dans le drame où nous savons que Sophocle lui-même joua le rôle noble et gracieux de Nausicaa.

Parmi tous ces drames satyriques, il y en a bon nombre qui donnent l’idée d’un canevas convenu qu’avec d’autres noms, d’autres situations, on se plaisait à reproduire, et duquel résultaient des ouvrages analogues, pour la conception et l’effet, à nos vieux contes de géans, d’ogres et d’enchanteurs. C’était assez souvent la défaite de quelque monstre redoutable, dont la merveille n’était point prise au sérieux, comme Cerbère tiré des enfers par Hercule, la baleine pourfendue par Persée, ou l’homme aux cent yeux endormi et massacré par Mercure ; c’était le châtiment de personnages féroces ou perfides, pleins d’une confiance insolente dans leur force, et qui, avant de succomber à la ruse d’un Ulysse, au bras d’un Hercule ou d’un Thésée, à l’inévitable vengeance de quelque divinité irritée, passaient d’abord par les facéties des satyres et le gros rire de la foule. Dans ce cadre général trouvent place à peu près tous les drames satyriques (ils sont malheureusement encore en bien petit nombre) que l’on attribue à Euripide.

Dans l’Autolycus, le fils du dieu des voleurs, voleur lui-même fort habile, et, par la protection de son père, fort impuni, rencontrait enfin son maître en fait de ruse chez le fourbe Sisyphe. Dans le Sisyphe étaient peut-être reproduits le bon tour joué par ce célèbre ennemi des dieux au roi des enfers, et le châtiment qu’il ne tarda pas à recevoir. Un des fragmens donnerait à penser qu’il y mourait de la main d’Hercule, instrument de tant de justices, et non de la main de Thésée. Thésée était bien évidemment le héros du Sciron, ainsi nommé d’un de ces monstres dont il purgea, durant sa jeunesse, les routes de la Grèce. Hercule devait jouer le principal rôle dans l’Eurysthée, où peut-être il surprenait de son retour imprévu le tyran d’Argos, qui avait cru se débarrasser de lui pour toujours en l’envoyant aux enfers. Qui ne connaît, a dit Virgile, l’histoire de Busiris et de son autel ? Ce fils de Neptune, tyran de l’Égypte, instruit par un devin cypriote ou phénicien, que le moyen de préserver son royaume de la stérilité était d’immoler chaque année aux dieux un étranger, adopta l’usage de ces sanglans sacrifices, qu’il commença, bien entendu, en faisant mettre à mort celui qui les lui avait conseillés. Il les continua jusqu’au jour où, s’étant saisi d’Hercule que