Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/512

Cette page a été validée par deux contributeurs.
506
REVUE DES DEUX MONDES.

satyrique, comme celui de la tragédie, de la comédie, ne se forma sans doute que par degrés. C’est sans doute aussi progressivement qu’il devint la petite pièce, la pièce finale du spectacle tragique. On a cru pouvoir conclure de la disproportion qui se remarque dans le catalogue des compositions de Pratinas, entre ses dix-huit tragédies et ses trente-deux drames satyriques, que ce dernier genre d’ouvrages fut d’abord donné isolément ; qu’on ne s’avisa pas tout de suite de le rattacher, soit par le sujet, soit seulement par le lieu d’une représentation commune, aux trois tragédies comprises dans la trilogie, d’en faire ce qu’il ne cessa guère d’être dans la suite, le complément de la tétralogie. D’autres ont tiré du même fait une conclusion bien différente, pensant qu’on avait pu, dans l’origine, rattacher à une seule tragédie plus d’un drame satyrique. Peut-être la constitution théâtrale qui régla définitivement quelle part, quelle place, appartiendrait au drame satyrique dans la distribution du spectacle doit-elle être rapportée seulement au temps des succès d’Eschyle et attribuée à ce véritable fondateur du théâtre grec ?

Quoi qu’il en soit, en présence de Pratinas, créateur du genre, de son fils Aristias, qui, après lui, s’y distingua, de Chérilus, à qui un vers cité par le grammairien Plotius attribue dans ce même genre une sorte de royauté, Eschyle le traita avec autant de supériorité que la tragédie. Les critiques ont souvent rappelé la scène spirituelle de son Prométhée, celle du satyre, qui, ravi à l’aspect, pour lui tout nouveau, du feu, veut l’embrasser, et que l’on avertit du danger auquel cette tendresse expose sa barbe de bouc ; ils ont également parlé de l’Amymone (c’était le nom d’une des filles de Danaüs), que son aventure avec un satyre semblait destiner, plus que tout autre personnage fabuleux, à devenir l’héroïne d’un drame satyrique. Quel rôle jouaient les satyres dans son Sisyphe, dans sa Circé, pièces auxquelles avaient fourni des thèmes propices à ce genre d’ouvrages deux fourbes illustres de même sang, le père et le fils, l’un qui trouvait moyen de s’évader des enfers, l’autre qui rendait à la forme humaine et à la liberté ses compagnons captifs dans les étables de l’enchanteresse ? On a cru en démêler quelque chose au moyen de certains fragmens, du reste assez peu clairs. Là c’est la troupe folâtre qui, tandis que la terre tremble et s’entr’ouvre, en voit sortir, au lieu d’un rat qu’elle attend, Sisyphe lui-même, Sisyphe remontant des sombres bords, et d’abord tout ébloui de la clarté du jour, puis disant gaiement adieu aux divinités infernales,