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points l’humanité lui résiste-t-elle, et dans cette résistance a-t-elle raison ? telles sont les questions dont l’étude nécessaire ne saurait effrayer que ceux qui ne croient pas sincèrement à la vertu du christianisme.

La critique philosophique, historique et littéraire est plus nécessaire que jamais dans une époque où les imaginations sont si souvent dupes d’elles-mêmes, où souvent aussi les esprits ont plus d’ambition que de puissance. Pourquoi les académies n’interviendraient-elles pas avec autorité pour rendre aux lettres, aux sciences, à la société, ces services que nous demandons à une forte critique ? Alors l’éloquence académique, dont nous avons dû relever les inconvéniens, les défauts, les côtés frivoles, deviendrait plus variée, en même temps plus pure, plus vigoureuse ; elle se débarrasserait de ses faux ornemens par cette application constante à rechercher le vrai dans toute chose. Les questions abondent, ou plutôt tout est en question. Effectivement, plus une société a la conscience de sa force, plus elle a foi dans ses institutions, dans leur durée efficace, plus aussi elle ouvre aux spéculations de l’esprit, aux jeux de l’imagination, une libre carrière. C’est sous l’égide d’une légalité à laquelle tous prêtent à la fois obéissance et appui que l’esprit humain jouit de toute son indépendance. Apprécier les caractères de cette situation, où, en définitive, le bien comparé au mal est prépondérant, opérer un classement équitable entre les productions fécondes, les estimables et les méchantes, prendre pour exemple et pour point le départ les résultats grands et bons, afin d’indiquer pour l’avenir ce qui pourrait être tenté avec une judicieuse audace, voilà une mission que nous aimerions à voir remplir par les académies. Nous n’oublions pas que dans cette direction et vers ce but des efforts heureux ont été par elles quelquefois tentés ; mais dans cette voie salutaire l’intérêt littéraire et social réclame plus d’énergie et de persistance. Si les différentes sections de l’Institut portaient dans leurs travaux des intentions plus systématiques, si leur intervention dans le mouvement des idées était plus directe et plus persévérante, nous croyons qu’elles concourraient plus puissamment encore qu’elles ne le font à l’éclat des lettres, aux progrès de l’érudition et des sciences morales. Nos académies, qui jouissent d’une considération si haute et si juste, nous paraissent très perfectibles encore comme instrumens de travail, et leur voix sera d’autant plus écoutée qu’elle laissera pénétrer davantage dans leur éloquence l’esprit critique.


Lerminier.