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DE L’ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE.

classe des sciences morales et politiques. Cette classe ou cette académie, le nom importe peu, fut supprimée par le premier consul. Elle a été rétablie par le gouvernement de 1830, qui s’est honoré en ravivant ainsi une des traditions les plus pures de notre révolution. Le secrétaire perpétuel de cette académie, M. Mignet, en inaugure aujourd’hui l’histoire, en rassemblant les éloges qu’il a prononcés au sein de la compagnie.

Sous la restauration, non-seulement la jeunesse, mais même les générations qui se livraient à l’activité de la vie publique, ne savaient pas bien l’histoire de la révolution française. Cette histoire n’était connue que de ceux qui y avaient joué un rôle ; or, ces acteurs vieillissaient et tous les jours devenaient plus rares. Il était donc opportun de maintenir la tradition des travaux et des changemens accomplis par nos pères, et de la fixer dans les esprits. Il fallait aussi que ce passé si grand et si formidable fût raconté par des hommes qui n’y eussent pas trempé, afin que nous vissions se dérouler sous nos yeux un tableau lumineux et impartial de la révolution française sans l’idolâtrie de ses erreurs et de ses excès. Voilà ce que sentirent avec une rapide justesse MM. Thiers et Mignet : aussi firent-ils à propos deux grands et bons livres.

Il y eut une convenance parfaite de la part d’une académie mise au monde, avec tant d’autres institutions, par la révolution française, de choisir l’un de ses historiens pour secrétaire perpétuel. Le talent et les connaissances de l’écrivain s’accordaient avec la mission qui lui était assignée. Les membres les plus anciens et les plus célèbres de la nouvelle académie appartenaient aux diverses époques de la révolution ; dans les assemblées, dans la diplomatie, dans l’administration, ils avaient représenté et servi la France. Les louer, raconter ce qu’ils firent et ce qu’ils pensèrent, c’était donc, pour ainsi dire, écrire encore une fois l’histoire de notre régénération politique, et M. Mignet se trouvait heureusement appelé à reproduire dans un autre cadre les études auxquelles il devait son honorable et paisible renommée. Aussi le voyons-nous se montrer tout-à-fait à son aise, et parler avec la décision d’un homme qui connaît à fond son sujet, quand, en écrivant les éloges de Sieyès, de Rœderer et de Merlin, il est appelé à conter les évènemens et les crises de la révolution, ainsi que le développement successif de ses institutions et de ses lois. Que l’on compare l’appréciation que M. Mignet a faite de Sieyès au sein de l’Académie avec le portrait qu’il en a tracé dans son histoire de la révolution, c’est le même