tenter, au défaut de l’immortel fauteuil, de promettre à la marquise bel esprit une place au panthéon féminin, au-dessus de Mme de Sévigné et tout à côté de Mme de Staël.
Les cinquante mille francs de Mme de Pontailly étaient réellement une mise risquée par son amour-propre à la grande loterie de la renommée, mais c’était aussi et surtout une chaîne d’or passée autour du cou d’un homme dont il fallait s’assurer, car dans son cœur elle l’avait désigné pour l’instrument de sa vengeance, et il était difficile de mieux choisir.
— Voilà une affaire convenue, dit-elle négligemment ; passons à une autre qui, je crois, vous intéresse davantage. Êtes-vous toujours amoureux d’Henriette ?
— Je suis aussi constant dans mes sentimens que dans mes desseins, reprit le journaliste en mettant la main sur son cœur.
— Vous savez qu’elle n’est plus chez moi ?
— M. Chevassu me l’a dit.
— Soyez franc : n’est-ce pas vous-même qui avez engagé mon frère à mettre sa fille dans une pension ?
La question était embarrassante. Dornier s’en tira au moyen de sa jalousie, qu’il eut soin d’exagérer, et il raconta à la marquise l’émotion cruelle qu’il avait éprouvée en trouvant la veille Mlle Henriette et le vicomte de Moréal en tête à tête dans le salon.
— Ah ! j’ignorais cela, s’écria Mme de Pontailly, dont ce récit irrita encore le ressentiment ; il paraît qu’ils étaient en commerce réglé. Quelle perversité dans une fille de dix-huit ans !
La marquise n’eut pas plutôt prononcé ces derniers mots, qu’elle s’en repentit, car il n’entrait pas dans ses projets de détacher Dornier d’Henriette, tout au contraire.
— Quand je dis perversité, s’empressa-t-elle d’ajouter, vous comprenez que ma mauvaise humeur de chaperon en défaut caractérise d’un terme exagéré ce qui n’est au fond qu’un enfantillage. À dix-huit ans, on n’est pas perverse ; imprudente, à la bonne heure ; étourdie tout au plus.
— Je n’accuse pas Mlle Henriette, répondit Dornier d’un air composé ; je sais bien qu’en pareil cas tous les torts doivent être attribués à l’homme sans principes qui cherche à jouer le rôle de séducteur.
— Ainsi vos intentions n’ont pas changé ; vous désirez toujours épouser ma nièce.
— Ce mariage, madame la marquise, comblerait tous mes vœux.
— J’y prévois des obstacles, reprit Mme de Pontailly en étudiant