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dans l’ordre de ses sociétés ordinaires, tous les élémens que nous possédons, avec la liberté de plus. Les trois espèces de sociétés reconnues par la loi française y sont également en usage, et s’y établissent sans aucune intervention de l’autorité publique. Ajoutons que, créées sans formalités et sans frais, elles y sont toujours d’un enfantement facile. Faut-il s’étonner après cela de voir le principe de l’association porté dans ce pays à un degré de développement que nous sommes si loin d’atteindre ?

VI.

Revenons maintenant à cette obligation d’une autorisation préalable que la loi française impose aux sociétés anonymes. Nous avons vu quelles sont les funestes conséquences de cette réserve : il nous reste à en apprécier les motifs. Quand on raisonne aujourd’hui sur l’esprit et le but de cette disposition on suppose généralement qu’elle a été dictée par cette considération, que la société anonyme n’offre pas aux tiers la garantie d’une responsabilité personnelle. Il ne paraît pas cependant, à lire les discussions qui ont précédé l’adoption du code, que cette considération soit entrée pour rien dans la pensée du législateur.

Les vrais motifs qui l’ont déterminé sont, en premier lieu, que cette forme d’association était nouvelle ; en second lieu, que la fraude pouvait se glisser dans l’émission des actions, et enfin qu’il ne fallait pas traiter les sociétés anonymes en général mieux qu’on n’avait traité les banques.

Ce n’est pas la première fois que la nouveauté d’une institution, commerciale ou autre, a servi d’argument contre elle. Quand une institution date d’une époque fort reculée, et qu’elle a pour elle la sanction du temps, quelle qu’elle soit, le législateur la protége ou la tolère : il suffit qu’il la trouve établie et consacrée par une possession immémoriale, pour qu’il se montre à son égard protecteur et bienveillant. À défaut de mérites et d’avantages réels, il respecte en elle ces vieux titres et ces droits acquis. Au contraire, les institutions plus modernes, et surtout celles qui viennent de naître, lui paraissent suspectes par leur nouveauté même. Il se met en défiance contre elles, s’exa-

    fleuves, de 121 pour les canaux et de 80 pour les chemins de fer, ce qui constitue un nombre total déjà supérieur à celui des sociétés anonymes qui existaient en France dans le même temps. Que sera-ce si l’on y ajoute tant d’autres compagnies instituées pour des objets spéciaux, comme la banque de Londres, la compagnie des Indes orientales, celle de la mer du Sud, la société pour la manufacture des glaces, la fameuse Trinity house corporation, qui a pour objet le perfectionnement de la navigation maritime, les compagnies des docks, les sociétés d’assurance, etc. ?

    Quant aux compagnies de banque, elles sont toutes, excepté celle de Londres et trois en Écosse, instituées librement en joint stock companies.