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DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

d’exposer les noms des associés aux regards du public, ni de proclamer les conditions ou même l’existence du contrat. Si les parties jugent qu’il soit utile à leurs intérêts de s’associer pour ainsi dire à ciel ouvert, et de confondre leurs noms dans une publicité commune, pour s’appuyer sur leurs crédits réunis, c’est leur affaire, et nul doute que, dans un grand nombre de cas, cette publicité ne soit recherchée par les associés eux-mêmes comme un moyen d’accroître la puissance de leur maison ; mais, comme cette publicité est toute volontaire, rien n’empêche d’y renoncer, quand les intérêts ou les positions sont autres. Aussi un grand nombre de sociétés anglaises, formées sans éclat et sans bruit, demeurent-elles ignorées durant tout le cours de leur existence. Établies sans formalités et sans frais, elles se constatent aussi par des procédés fort simples. Toutes les preuves sont admises en justice pour établir leur existence, depuis l’acte dressé par un officier public, jusqu’à la correspondance, les livres et le témoignage verbal. C’est, du reste, une remarque à faire au sujet de la loi anglaise, qu’elle laisse communément aux particuliers, surtout en matière commerciale, la faculté de prouver comme ils l’entendent les vérités qu’il leur importe d’établir. Pourvu qu’un fait soit reconnu, elle ne dispute pas sur la manière, et ne lui demande pas comment il a fait pour se produire ; bien différente en cela de la loi française, qui exige toujours, à moins qu’il ne s’agisse d’affaires d’une importance minime, des actes formels et régulièrement dressés.

Mêmes facilités en ce qui concerne la division du capital des sociétés en actions. En France, cette division est permise pour les sociétés anonymes et en commandite, et par cela même elle est implicitement interdite à la société en nom collectif ; c’est une concession dont la loi limite l’étendue. En Angleterre, cette division est indistinctement permise dans tous les cas. Pour mieux dire, elle n’est pas permise, car la loi n’a rien prévu à cet égard ; elle est considérée comme l’exercice d’une faculté naturelle qui n’a pas besoin d’être écrite, et qui dérive de la seule faculté de s’associer. Dès l’instant, en effet, que plusieurs hommes s’unissent régulièrement pour une affaire commune, il faut bien qu’ils déterminent entre eux la part d’intérêt de chacun et qu’ils établissent entre ces parts une proportion quelconque. Voilà une division du capital. De là à la division en actions, il n’y a qu’un pas, et aucun principe de droit ne marque l’intervalle. Pourquoi, par exemple, au lieu de recevoir les mises inégales, irrégulières, qu’il plairait à chaque associé d’apporter, n’aurait-on pas le droit d’établir à priori une division régulière du capital, en le fractionnant d’avance en parties aliquotes, dont chacun serait libre ensuite de prendre le nombre qu’il voudrait ? Ce n’est qu’une autre manière d’arriver au même résultat, mais en établissant mieux la proportion des mises. Toute la différence est que la division en actions est plus commode en ce qu’elle permet de saisir d’un coup d’œil le rapport des mises entre elles et de chacune d’elles avec le tout. Cette considération n’est pas d’une médiocre importance, surtout quand on s’adresse à tout le monde, et qu’on veut admettre