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DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

qui tendaient singulièrement à compromettre le succès des entreprises les mieux conçues. Tels sont les résultats naturels, inévitables, de la substitution de la commandite à la société anonyme.

Tout cela cependant ne se rapporte encore qu’aux sociétés loyalement formées, loyalement conduites. C’est bien pis quand on considère les fraudes dont cette substitution forcée est devenue l’occasion. Il est facile de comprendre combien la situation particulière où se trouve placé le gérant d’une commandite est favorable aux coups de main, et combien, soit avant, soit après la constitution de la société, elle se prête aux manœuvres coupables des intrigans et des fripons. Comme il est de la nature de cette société que le gérant s’établisse en appelant autour de lui, non de vrais associés, mais des bailleurs de fonds, il reste maître de régler d’avance et sans le concours d’aucun des futurs intéressés, toutes les conditions de l’entreprise. Il rédige seul, et d’après ses convenances personnelles, les clauses de l’acte social. Cet acte est déjà dressé, la société est constituée, et les parts sont fixées, quand on fait appel aux sociétaires. Ainsi le veut la loi elle-même, qui, dans les commandites, ne reconnaît d’autorité et d’existence légale qu’aux seuls gérans. Quand les actionnaires viennent apporter leur souscription, il ne leur reste donc plus qu’à adhérer passivement à un acte rédigé sans eux, et dont souvent ils ne connaissent même pas la teneur. C’est ainsi qu’ils sont, dès le début, à la merci de ceux qui les appellent, et cette situation se prolonge à peu près dans les mêmes termes durant toute l’existence de la société.

Nous n’essaierons pas de tracer le tableau des désordres qu’une telle situation a enfantés. Assez d’autres se sont appesantis sur ce triste sujet, et le public n’a été que trop bien édifié à cet égard. Il nous suffit d’avoir fait remonter ces abus à leur véritable source. C’est ainsi que la loi, par un système fâcheux de formalités et de restrictions mal entendues, supprimant parmi nous l’usage loyal et fécond de l’association en grand, n’y a laissé de place que pour l’abus.

Pour mieux faire comprendre la vérité des observations qui précèdent, qu’on nous permette de nous autoriser de l’exemple d’un pays voisin. C’est en suivant une route bien différente de la nôtre que l’Angleterre s’est placée si loin de nous, quant aux progrès de l’association commerciale. Examinons donc son système. On verra que, s’il n’est pas sans défauts, il est du moins exempt de ceux que nous venons de signaler.

V.

Il est toujours utile de comparer entre elles les législations de deux peuples sur des matières semblables, et ces rapprochemens sont particulièrement instructifs quand on compare aux lois de son pays celles d’un pays mieux partagé. Mais il faut, dans les comparaisons de ce genre, ne pas se laisser abuser par des analogies trompeuses. Trop souvent, en étudiant une législa-