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les employés, la subordination, condition nécessaire de l’unité, de la suite, de l’activité dans le travail, et, au milieu de tout cela, les droits de tous sont conservés. La société anonyme réunit donc tous les avantages divers, et semble, comme elle l’est en effet, la combinaison la plus parfaite de l’association commerciale.

III.

Si nous ne sommes point abusé, ce qu’on vient de voir confirme le doute que nous avons exprimé précédemment sur l’insuffisance générale du système. Évidemment ces trois espèces de sociétés, avec leurs formes particulières et leurs applications restreintes, sont loin de remplir le vaste cercle de l’association : il est impossible de ne pas reconnaître entre elles de grands vides et d’importantes lacunes. Entre la société en nom collectif, où les associés s’identifient, pour ainsi dire, corps et biens, et la société anonyme, où ils ne mettent en commun qu’une portion déterminée de leurs capitaux, que de degrés à franchir ! Que d’heureuses combinaisons possibles entre ces deux limites extrêmes ! On comprendra donc sans nulle peine que, si l’association était libre, l’industrie privée, qui s’ingénie sans cesse pour accroître ses moyens et utiliser ses ressources, n’eût pas manqué de la soumettre à de nouvelles combinaisons qui en eussent singulièrement fécondé le principe. Supposez, par exemple, que, dans la première des sociétés, que nous appellerons, si l’on veut, solidaire, on dispense les membres de l’obligation d’accoler leurs noms dans un acte public et dans la raison sociale, qu’on leur permette de désigner leur société comme ils l’entendent, soit par le nom de l’un ou l’autre des membres, soit par l’objet de l’entreprise ; aussitôt l’association change de caractère, ses liens se relâchent, et elle devient susceptible de s’étendre dans la proportion de ce relâchement. Que si on lui permet, en outre, de diviser son capital en actions, chose trop naturelle d’ailleurs et trop simple pour être jamais interdite, rien n’empêche qu’elle ne s’élève à la hauteur des grandes entreprises, sans pourtant se confondre avec la société anonyme, de laquelle elle se distingue encore notamment par la responsabilité indéfinie de tous ses membres. C’est ainsi qu’une seule de nos sociétés actuelles pourrait, sans effort, en engendrer plusieurs. Il est facile d’appliquer aux autres la même observation[1].

  1. En 1838, dans un écrit sur les sociétés commerciales, M. Wolowski proposait, afin de remédier aux abus alors existans de la commandite, d’attribuer une certaine autorité au corps des commanditaires ou au conseil de surveillance institué par eux. M. Wolowski ne voyait pas que ce qu’il proposait n’était pas une simple modification de la commandite actuelle, mais une nouvelle espèce de société, société beaucoup plus convenable, en effet, pour les usages auxquels la commandite s’appliquait alors par extension et par abus, mais nullement convenable pour les usages auxquels elle avait été appliquée jusqu’alors.

    Vers le même temps, dans un écrit sur la même matière, M. Vincens, conseiller