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tint compte et s’y fonda ; l’empire à la fin la méconnut tout-à-fait et se perdit. C’est également pour avoir méconnu ce quelque chose de mixte qu’elle avait tant contribué à créer et à organiser, que la restauration a péri ; c’est parce qu’il le respecte, qu’il l’accommode, et qu’en gros il le contente, que le régime présent est en train de vivre. Il oublie même un peu trop de le diriger, et il y cède trop. — Soit. — C’est le défaut contraire au précédent. — Ce n’est pas un très noble régime, dira-t-on, qu’un tel régime représentatif et monarchique, avec une seule hérédité, sans aristocratie véritable, sans démocratie entière et franche. — Non ; mais c’est un régime sensé, modéré, tolérable assurément, et, qui plus est, assez heureux. — Mais vivra-t-il ? s’écriera le théoricien absolu ; qu’on ne me parle pas de cet enfant au maillot ! Combien a-t-il d’années ? Qu’on attende ! — Oui, on attendra. Je ne répondrai point que cette forme de gouvernement elle-même ne soit une préparation, un intervalle, une transition à de plus souveraines. Mais toutes les formes de gouvernement en sont là. Il suffit qu’elles vivent avec honneur un certain laps d’années, et qu’elles procurent durant ce temps à un certain nombre de générations repos et bonheur, de la manière dont celles-ci l’entendent. Après quoi ces formes passent, elles se brisent, elles se transforment. Les historiens, les théoriciens viennent alors, les dégagent de ce qui les neutralisait souvent et les voilait aux yeux des contemporains, et en font à leur tour des principes et des systèmes qu’ils opposent aux nouvelles formes naissantes et à peine ébauchées. Ainsi va le monde ; et, pour qui a la tournure d’esprit religieuse, il y a moyen encore, dans tout cela, de retrouver Dieu. — Je crois avoir répondu fort terre-à-terre, mais non pas trop indirectement, à la doctrine du Principe générateur.

En traduisant et en publiant (1816) avec des additions et des notes le traité de Plutarque sur les Délais de la Justice divine dans la Punition des Coupables, M. de Maistre donnait la mesure de la largeur et de la spiritualité de son christianisme ; en se faisant l’introducteur et comme l’hôte généreux du sage païen, il disait à tous que les bras toujours ouverts de son Christ n’étaient pas étroits. Son fameux ouvrage du Pape, publié en 1819, semblait au contraire rétrécir et rehausser singulièrement le seuil du temple. Il n’aurait voulu que le rendre à jamais stable et visible, en le fondant sur le rocher.

M. de Maistre fut conduit à son livre du Pape par sa force logique. Il était pénétré du gouvernement temporel de la Providence et en avait vu les coups de foudre dans notre révolution ; mais, au lieu