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JOSEPH DE MAISTRE.

II.[1]

Trois écrivains du plus grand renom débutaient alors à peu près au même moment, chacun de son côté, sous l’impulsion excitante de la révolution française, et on les peut voir d’ici s’agiter, se lever sous le nuage immense, comme pour y démêler l’oracle : on reconnaît Mme de Staël, M. de Maistre et M. de Châteaubriand.

Le plus jeune des trois, le seul même qui fût à son vrai début, M. de Châteaubriand, en ce fameux Essai sur les Révolutions, versant à flots le torrent de son imagination encore vierge et la plénitude de ses lectures, révélait déjà, sous une forme un peu sauvage, la richesse primitive d’une nature qui sut associer plus tard bien des contraires ; d’admirables éclairs sillonnent à tout instant les sentiers qu’il complique à plaisir et qu’il entrecroise ; à travers ces rapprochemens perpétuels avec l’antiquité, jaillissent des coups d’œil singulièrement justes sur les hommes du présent : lui-même, après tout, l’auteur de René comme des Études, l’éclaireur inquiet, éblouissant, le songeur infatigable, il est bien resté, jusque sous la majesté de l’âge, l’homme de ce premier écrit.

Mme de Staël, qui, à la rigueur, avait déjà débuté par ses Lettres sur Jean-Jacques, et qui devait accomplir un jour sa course géné-

  1. Voir la livraison du 15 juillet.