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REVUE. — CHRONIQUE.

nitive ? Laisser tout duel impuni ? traiter tout duel comme un meurtre ou comme une tentative de meurtre ? Qui ne voit pas que ce sont là deux extrêmes, et deux extrêmes qui en réalité se confondent et n’en font qu’un ? C’est l’impunité du duel. On ne fera jamais accepter à un jury une doctrine qui revient à dire qu’un combat loyal, pour des motifs plus ou moins graves, est une tentative de meurtre. Le duel est un fait sui generis. Il peut être un délit ; il peut mériter une répression plus ou moins sévère, selon les circonstances et la position morale du délinquant. C’est au législateur de faire les distinctions nécessaires et de promulguer une loi qui fasse la part de toutes choses, et qui, par des sévérités excessives, ne laisse pas complètement impunis même les faits qui seraient dignes de répression.

Les affaires de Serbie semblent terminées. Ce que voulait la Russie, c’était l’annulation du choix fait sans son assentiment et une élection nouvelle faite sous ses auspices et avec son autorisation. L’Europe sanctionnera-t-elle long-temps par son silence les prétentions du cabinet russe ? Sera-t-il donc reconnu en Serbie et dans tout l’Orient que les décisions de la Porte ne signifient absolument rien, et que l’empereur de Russie n’a qu’à écrire une lettre pour que tous les firmans soient à l’instant même lacérés ? Veut-on persuader aux provinces du Danube que c’est vers la Russie qu’elles doivent désormais tourner leurs regards, que c’est son protectorat qu’il faut invoquer, que c’est à ses désirs qu’il faut se conformer, en attendant le jour où l’on devra, comme sujets, obéir à ses ordres ? C’est ainsi qu’on laisse s’achever peu à peu la ruine de la Porte, comme s’il fallait renoncer à tout espoir de la sauver.

La lutte entre Buenos-Ayres et Montevideo devient de plus en plus acharnée. L’armée de Rosas serre de très près la ville de Montevideo ; peut-être en est-elle maîtresse à cette heure, et Dieu sait quelles horreurs peuvent, dans ces climats, se permettre les vainqueurs. On dit qu’un grand nombre de Français établis à Montevideo, au lieu de rester spectateurs d’une lutte qui ne les concerne pas, ont épousé la cause des unitaires, et qu’ils se sont enrôlés sous la bannière de Paz, malgré les représentations de notre consul. Si le fait est vrai, il est on ne peut pas plus déplorable ; il nuit à l’influence et paralyse l’intervention protectrice des représentans de la France. De simples particuliers n’ont pas le droit de jeter ainsi leur pays dans de graves difficultés diplomatiques, et de lui préparer des embarras pour satisfaire leurs fantaisies et leurs passions politiques. Tant qu’on conserve la qualité de Français, on ne doit pas s’immiscer dans des querelles étrangères à la France. Ce n’est qu’en respectant les principes d’une neutralité que rien ne doit altérer, et en se conformant aux instructions des représentans de son pays, qu’on a droit à leur protection. Nos agens sont chargés de protéger les intérêts français et non les caprices et les témérités du premier venu. Ces faits sont d’autant plus coupables, qu’ils peuvent devenir le prétexte des calomnies que l’étranger se plaît si souvent à répandre contre la France et son gouvernement. C’est ainsi que cette espèce de club ou de comité de salut public, comme on voudra l’appeler, qui vient de se former à Madrid, et qui est composé, dit-on, de la députation