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grue pour souffrir que ces gaillards gardassent la Savoie, il ferait tout aussi bien de les mettre en garnison à Milan.

« Mais, tandis que la Savoie est au roi de Sardaigne, on ne peut pas être surpris en Italie. Diantre ! c’est bien différent d’être dans un pays ou d’y aller.

« Et nos bons amis les Suisses, croyez-vous qu’ils soient bien amusés d’entendre les tambours des Français de l’autre côté du lac ? Les Genevois, qui ne sont que des marmousets, les fatiguent déjà passablement ; jugez comme ils ont envie de toucher de tous côtés la république française ! Sûrement les Français ne pourraient pas leur faire un plus grand plaisir que de s’en aller d’où ils sont venus. Les Suisses et les Savoyards sont cousins, ils font leurs fromages en paix et ne se font point d’ombrage. Que les grands seigneurs demeurent chez eux et ne viennent pas casser nos pots.

« Il faudra donc rendre la Savoie parce que tout le monde voudra qu’on la rende, et, quand la C. N. aurait les griffes assez fortes pour la retenir dans le moment présent, croyez-vous que ce fût pour long-temps ? Bah ! les choses forcées ne durent jamais.

« Le courage des Français fait plaisir à voir, mais ne vous laissez pas leurrer par cette lanterne magique. Vous savez que lorsqu’on se rosse un jour de vogue, surtout lorsqu’on est un peu gris, on ne sent pas les coups ; mais c’est le lendemain qu’on se trouve bleu par-ci et bleu par-là, qu’on se sent raide comme le manche d’une fourche, et qu’il n’y a pas moyen de mettre un pied devant l’autre.

« Quand la France sera froide, vous l’entendrez crier.

Ce sont là, il me semble, de ces accens vibrans qui dénotent que, même sous le masque du Jacques Bonhomme et du Sancho de son pays, M. de Maistre ne peut pas se déguiser long-temps. Plus loin, pour exprimer que les Français ne sont pas encore guéris ni près de guérir du mal révolutionnaire : « S’ils étaient véritablement ennuyés d’être malades, dit-il, est-ce qu’ils ne se donneraient pas tous le mot pour faire venir de la thériaque de Venise ? » Louis XVIII, comme on sait, était alors à Venise. Le maire de Montagnole continue de prendre ses compatriotes par tous les bouts, par l’énumération de tous leurs griefs, en réservant pour le dernier coup l’intérêt de la religion catholique si cher aux populations. Je continue de citer tout ce qui me paraît un peu saillant, ce pamphlet curieux étant parfaitement inconnu et introuvable aujourd’hui :

« Il y a plus de deux cents ans qu’il y eut déjà un tapage en France pour les affaires de huguenots. Notre curé en parlait un jour avec M. le châtelain : il appelait cela la digue, ou la ligue, ou la figue, enfin quelque chose en igue. Mais c’était diabolique. Il disait que cette machine dura je ne sais combien de temps, trente ou quarante ans, je crois. Sainte Vierge Marie ! cela ne