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JOSEPH DE MAISTRE.

En tardant si long-temps, depuis la première promesse que nous en avions faite[1], à venir parler de cet homme célèbre, de ce grand théoricien théocratique, il semble que, sans l’avoir cherché, nous ayons aujourd’hui rencontré une occasion de circonstance et presque un à-propos. Les discussions religieuses, qui font ce qu’elles peuvent pour se réveiller autour de nous, viennent rendre ou prêter à tout ce qui concerne le comte de Maistre une sorte d’intérêt présent que ce nom si à part et orgueilleusement solitaire n’a jamais connu, et dont il peut, certes, se passer. Pour nous, nous n’essaierons pas de le mêler plus qu’il ne convient à ces querelles, qu’il surmonte de toute la hauteur de sa venue précoce et de son génie. Nous l’étudierons d’abord en lui-même, nous y reconnaîtrons et nous y suivrons de près l’homme antique, immuable, à certains égards prophétique, le grand homme de bien qui a senti le premier et proclamé avec une incomparable énergie ce qui allait si fort manquer aux sociétés modernes en cette crise de régénération universelle. En le prenant dès le berceau, dans son éducation, dans sa carrière et sa nationalité extérieures et contiguës à la France, nous aurons déjà fait la part de bien des exagérations où il a paru tomber, et sur les-

  1. Voir l’étude sur le comte Xavier de Maistre, no du 1er mai 1839.