Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/313

Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

liant à sa cause ces anciens auxiliaires, dont il avait cru, dans son ingratitude, pouvoir faire des ilotes.

L’union bulgaro-serbe renferme dans son sein les populations les plus belliqueuses de l’Orient. Même en ne comptant que sa jeunesse, la principauté de Serbie peut mettre en rang 30,000 soldats, et le Monténégro 20,000. La Bosnie a toujours été taxée à un contingent de 40,000 hommes ; celui de l’Albanie est encore plus considérable ; ce qui donne un résultat de 130,000 soldats pour la seule nation serbe et ses annexes. Il est vrai que, par son caractère pacifique, la nation bulgare, quoique beaucoup plus nombreuse, serait peu disposée à offrir à l’union plus de 80,000 hommes. On doit donc, au minimum, évaluer à 200,000 guerriers les forces slaves disponibles pour ou contre le sultan, selon qu’il sera pour ou contre l’émancipation des raïas, et l’on peut affirmer que, dans une guerre pour la défense de leurs foyers, le chiffre des combattans bulgaro-serbes s’élèverait sans peine à 400,000. Si on leur rend enfin une patrie, ces braves se sentiront plus intéressés que les Turcs même à repousser l’invasion étrangère du Danube et des Balkans. En effet, le musulman d’Asie, transporté dans les forteresses de la Bosnie et du Dobroudja, que perdra-t-il personnellement à ce qu’elles tombent entre les mains de l’Autriche et de la Russie ? Mais le Bosniaque, mais le Bulgare sentira que ces forts et ces monts sont le rempart de sa race, et, pour les sauver, il deviendra, s’il le faut, haïdouk. En défendant les frontières impériales, il défendra sa ville, sa chaumière, le berceau de ses enfans, dont l’intérêt sera devenu inséparable de l’intégrité de l’empire.

L’avantage d’un tel boulevard pour couvrir le Bosphore du côté de la terre vaut bien quelques concessions de la part du souverain de Constantinople. La position de sa capitale, alimentée par le Balkan, lui permet d’ailleurs d’assurer à ces montagnards des débouchés commerciaux et des gages de prospérité que dans l’état actuel aucune autre puissance d’Europe ne saurait leur offrir. Dès que le Turc, renonçant à exploiter le Slave, lui aura rendu ses antiques libertés communales, l’industrie éteinte se ranimera, des villes florissantes s’élèveront dans les déserts ; l’activité sociale, aujourd’hui concentrée dans Stambol, débordera sur les provinces, et, coulant à pleins bords, inondera la plus belle péninsule du monde.

Veut-on perdre la monarchie d’Othman, qu’on garde le statu quo, il ne faut rien de plus au cabinet moscovite ; veut-on la sauver, qu’on groupe les raïas autour de la Porte, qu’on organise l’état de manière à