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la Porte contre les infractions qu’il peut subir. Heureusement, les usages orientaux n’interdisent point aux raïas de se rassembler en aussi grand nombre qu’il leur semble bon autour de leurs monastères : les patriotes bulgares doivent user largement de ce droit, qui leur assurera sur le peuple autant et même plus d’influence que s’ils avaient des journaux. Ces sobors, ou meetings slaves, envoient depuis quelques années au sultan de fréquentes députations chargées de porter leurs plaintes. Ces députés courent le risque d’être emprisonnés ; il faut donc que des cotisations d’argent entre les villages s’organisent en leur faveur ou en faveur de leurs veuves ; il faut que ces victimes soient comblées d’honneurs capables de faire envier leur sort. Puisque le hatti-chérif a proclamé l’égalité des chrétiens et des Turcs, il s’ensuit que les uns et les autres doivent avoir les mêmes droits. La loi reconnaissant que les communes et confréries chrétiennes doivent être traitées sur le même pied que les communes turques, le peuple bulgare peut légalement exiger que là où n’habitent que des familles chrétiennes, les conseils municipaux soient composés exclusivement de chrétiens, de même qu’ils sont exclusivement composés de Turcs dans les communes uniquement musulmanes. Cette émancipation des communes bulgares, étant une conséquence rigoureuse du hatti-chérif, peut être obtenue par les voies légales, par une agitation à la manière irlandaise, sans qu’il se verse une goutte de sang. L’agitation dirigée vers ce but, loin d’encourir une répression qui serait illégale, doit être encouragée par le sultan, puisqu’elle lui facilite les moyens de tenir sa parole, car le sultan ne peut refuser aux Bulgares les libertés dont jouissent toutes les communes turques sans mentir à la charte qu’il a donnée. Le rétablissement des libertés municipales est la base de toute prospérité pour l’empire ; il intéresse les Turcs autant que les chrétiens eux-mêmes. Partout où l’Osmanli intervient hors de ses foyers, il tarit par sa soif insatiable de monopole et de domination absolue la source des richesses locales et l’esprit d’émulation parmi les indigènes. Il faut, dans leur intérêt même, séparer les vainqueurs des vaincus. On conçoit que les conseils municipaux des grandes villes, ordinairement formés de treize membres, puissent admettre, comme représentans de la population musulmane, le cadi, le pacha et ses kiaias auprès de l’évêque et des staréchines ou primats chrétiens ; mais, dans les petits villages habités seulement par les Bulgares, il est illégal, il est odieux que le conseil communal ne puisse s’assembler sans être présidé par un Turc envoyé du pacha.