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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

l’Autriche, après avoir réduit presque à l’état de vassale la famille mirdite des Doda, cherche, par ses intrigues, à ébranler l’antique dynastie monténégrine des Petrovitj, qui se trouve maintenant en possession de donner à la Montagne Noire son gouverneur ou lieutenant-général, comme elle lui donne depuis des siècles son vladika ou chef spirituel. C’est ainsi encore que le cabinet moscovite s’efforce de tromper l’Europe sur la légitimité de la dynastie que les Serbes danubiens se sont donnée dès 1801, celle de George-le-Noir, l’émancipateur de sa patrie. Cette dynastie, née du champ de bataille, avait bien pu momentanément disparaître aux yeux des étrangers devant l’usurpation heureuse de Miloch Obrenovitj, qui, après avoir fait périr traîtreusement George-le-Noir, se porta son héritier ; mais toutes les sympathies des Serbes restaient à la famille du martyr : une longue série de révoltes contre la dynastie usurpatrice et justement haïe des Obrenovitj a enfin abouti, en 1842, à expulser du pays le dernier d’entre eux, et aussitôt, déterrant le drapeau criblé de balles de George-le-Noir, enfoui pendant tout le règne de Miloch, la Serbie n’a eu qu’une voix pour reconnaître le droit d’hérédité d’Alexandre Georgevitj, le fils de son premier chef.

Ainsi, dans les débats diplomatiques provoqués par la dernière révolution de Serbie, et qui ont abouti à la réélection du prince Alexandre Georgevitj, l’Europe a été entièrement trompée ; on lui a fait prendre une question de dynastie pour une question d’élection. Ce n’est que par une inexcusable ignorance des faits que la diplomatie européenne est demeurée muette devant l’ultimatum de la Russie. Il faut l’avouer toutefois, cet ultimatum était formulé avec une apparence de modération et de justice capable de paralyser les plus fougueux antagonistes du protectorat russe en Orient. En effet, que demandait le tsar ? Une simple réélection du petit prince de la Serbie dans les formes légales et régulières, pour sanctionner l’élection illégale et tumultueuse à laquelle ce prince doit son trône ! Nous ne pouvons pourtant pas, se sont dit les diplomates, nous montrer tracassiers au point de refuser notre adhésion à une demande si modeste. Si la diète convoquée pour la réélection confirme le prince actuel, et ratifie l’expulsion de la famille de Miloch, la Russie ne promet-elle pas de se résigner et de reconnaître le chef ainsi légalement élu comme le véritable prince de la nation ? Nulle objection raisonnable n’a pu s’élever dans l’esprit des publicistes contre la question ainsi posée, et, nous l’avouons, un cabinet occidental eût difficilement exprimé ses exigences avec autant d’habileté. Toutefois, qu’entendait le ca-