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lisation faisaient seulement disparaître les principaux bancs de sable qui encombrent son cours.

Sous le point de vue maritime, la position des Serbes est, il faut l’avouer, moins avantageuse que celle des Bulgares ; la faute en est aux envahissemens de l’Autriche, qui a conquis sur l’empire d’Orient la Dalmatie et ces magnifiques bouches de Kataro, où pourraient hiverner en pleine sécurité toutes les flottes de l’Europe. De si belles côtes ne seront point rendues aux Serbes par une grande puissance, à moins d’une guerre générale et d’un remaniement complet des états européens. Il n’y faut donc pas songer ; mais les Monténégrins et les Mirdites libres d’Albanie, une fois coalisés, peuvent, par des conventions pacifiques avec le sultan, et au besoin par la force, s’approprier Antivari et Dulcigno, dont les Ottomans ne font rien, et qui, aux mains des chrétiens, serviraient à ranimer la marine serbe, si florissante avant la chute de Raguse. En attendant, les Serbes seront réduits à la navigation fluviale ; heureusement, beaucoup d’entre leurs rivières sont navigables ; la Save et la Drina portent de forts bateaux sur la plus grande partie de leur cours. La grande Morava, qui tombe dans le Danube sous Smederevo, pourrait aussi, malgré la rapidité de ses eaux, porter les plus lourds caïques ; si on n’ose encore lui confier que de légères barques, c’est à cause des rochers et des troncs d’arbres dont elle est encombrée, comme tous les cours d’eau abandonnés à eux-mêmes.

Les provinces serbes n’ont point l’importance commerciale des provinces bulgares ; l’industrie s’y borne à la vente du miel, de la cire, des bestiaux, et surtout des porcs, principale richesse du peuple. Tous les produits manufacturés sont importés de l’étranger ; quant aux produits de la nature, ils abondent. Il y a des vignobles partout, excepté dans la Matchva et la haute Bosnie, où l’on remplace le vin par l’eau-de-vie de prunes. Les plantations de mûriers pour les vers à soie réussissent parfaitement. Les trois grandes rivières de la Drina, de la Save et de la Morava baignent des vallées d’une étonnante fertilité ; elles n’attendent que des travailleurs pour se couvrir d’usines destinées à manufacturer et à exploiter les produits bruts des hauts plateaux et des montagnes verdoyantes qui, de toutes parts, s’inclinent sur ces belles eaux. La partie du bassin de la Save appelée Matchva, qui, au moyen-âge, passait pour la plus riche province de l’empire serbe, semble toujours, en été, n’être qu’un vaste champ de blé. Rien toutefois n’est comparable à la vallée de la Morava, véritable paradis terrestre, sur une longueur de plus