Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/279

Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

serbe se distinguent par la sévérité des mœurs entre toutes les populations de l’empire turc, dont ils sont la principale force. Si l’on doit regarder les Grecs comme les gardiens maritimes de Constantinople, les Serbo-Bulgares en sont, à bien plus juste titre, les gardiens continentaux. De même qu’il est impossible au souverain du Bosphore d’avoir une marine, si les Grecs s’y opposent, de même il n’aura jamais une armée de terre capable de repousser l’invasion, sans le concours des peuples du Danube et du Balkan. En Turquie, les montagnes appartiennent aux Slaves, comme la mer appartient aux Grecs, et la capitale turque se trouve placée par la nature sous la dépendance inévitable de ces deux races puissantes. Ainsi les Ottomans d’Europe, réduits à un million d’individus et resserrés dans leurs plaines de la Romélie, y vivent bloqués par les Slaves, seuls habitans des monts, et par les Grecs, seuls maîtres de la mer ; placés entre ces deux ennemis, ils n’auraient aucun moyen d’échapper à une insurrection générale des raïas. Toutefois, sans le concours des Slaves, une insurrection des raïas grecs pourrait échouer, puisque, bloqué par mer, Stambol saurait encore s’alimenter par les Balkans, tandis que, bloqué par les Serbes et les Bulgares, et privé du secours de l’Europe, le sultan devrait nécessairement capituler.

Ainsi, ceux qui veulent affaiblir l’influence russe en Turquie doivent, avant tout, garantir aux gardiens continentaux de Constantinople une existence suivant leur vœu, pour ne pas les forcer à se jeter dans leur désespoir aux bras de la Russie. En effet, obligés par leur position d’être les confédérés, sinon les vassaux, du trône assis sur le Bosphore, les Serbo-Bulgares ne peuvent accepter ce pouvoir que s’il défend leurs intérêts et leur commerce, devenus inséparables de l’intérêt et du commerce de Constantinople. C’est à ce titre seulement que le pouvoir qu’ils subissent de fait aujourd’hui peut devenir légitime à leurs yeux. Quant à la question de la dynastie ottomane, tant qu’elle ne touchera pas leurs intérêts nationaux, elle sera toujours nulle pour les Serbo-Bulgares ; car, bien que le trône du Bosphore soit placé nécessairement sous leur garantie, le Bosphore néanmoins ne peut que très difficilement être occupé par les peuples du Balkan. Ces tribus de pâtres et de laboureurs exploiteraient mal une position maritime aussi centrale, aussi universelle que Stambol. Voilà pourquoi les Slaves s’en remettent volontiers à l’Europe du soin de décider si cette capitale de la Méditerranée doit rester asiatique ou redevenir européenne. Ratifiant d’avance le jugement qui sera porté, ils sont prêts à soutenir la maison d’Othman, si elle les soutient eux-