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REVUE DES DEUX MONDES.

de dire à Moréal que tu serais enchanté qu’il épousât ta sœur ; j’ai bien épousé ta tante, moi : je suis marquis cependant, et il n’est que vicomte.

— Vous savez bien que je n’ai rien à vous refuser, répondit l’étudiant. Allons, vicomte, puisque vicomte il y a, épousez Henriette si vous pouvez, je ne m’y oppose plus.

— Bravo, Prosper ! dit le vieillard, tandis que les deux jeunes gens se serraient de nouveau la main d’un air amical ; à la rigueur, Leporello, Tribonien, veux-je dire, est un cheval à deux fins. As-tu envie d’un cabriolet ?

— Non, mon oncle, ce serait abuser… j’aurais l’air de me vendre, tandis que je me rends… Réellement je ne puis accepter… Cependant si vous aviez dit un tilbury…

— Va pour le tilbury, dit M. de Pontailly en riant.

— C’est égal, reprit Prosper Chevassu après un instant de réflexion, qui m’eût dit, il y a trois jours, que je consentirais à m’allier à un ci-devant, m’aurait diablement surpris. Il est vrai que soixante heures passées dans les cachots font voir les choses sous un autre aspect. Après tout, mon antipathie pour la noblesse n’était peut-être qu’un préjugé.

— Dont tu guériras tout-à-fait, interrompit le vieillard, pour peu que ton père devienne comte ou baron, comme il en meurt d’envie.

Tandis que s’évanouissait ainsi un des obstacles qui s’opposaient au mariage d’Henriette et de Moréal, Dornier disposait les matériaux d’une dernière péripétie, comme derrière leur rempart qui s’écroule des assiégés élèvent à la hâte une nouvelle muraille où se briseront peut-être tous les efforts de l’ennemi


Charles de Bernard.


(La quatrième partie au prochain numéro.)