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a amené la dépréciation des salaires, pendant que des taxes élevées agissant sur tous les articles d’importation ont empêché l’abaissement du prix de la nourriture et de toutes les choses nécessaires à l’existence.

L’Angleterre, disent-ils, aurait pu encore conserver l’empire des marchés du monde, si elle eût admis de l’étranger, à des droits légers, les denrées servant à la nourriture, en échange de ses produits manufacturés, que l’on eût alors reçus avec moins de répugnance. Mais elle fait peser sur le manufacturier et ses ouvriers de lourds impôts pour l’avantage de l’agriculteur. Elle a taxé l’agriculteur pour l’avantage du manufacturier, et tous les deux en considération de la navigation maritime. Les colonies sont imposées pour le bien de la mère-patrie, qui, à son tour, supporte des taxes destinées à la protection coloniale. Il en résulte un cercle complet de taxes, dont le montant, après avoir acquitté les frais de recouvrement, sert à maintenir la puissance et la gloire du pays, à qui l’on sacrifie le bonheur et le bien-être de la masse du peuple, à ce point qu’un sixième de la population est chaque jour à la veille de mourir de faim.

Passant à des considérations plus immédiates, les adversaires du système de protection remarquent qu’il ne favorise que huit ou dix des états de l’Union (ceux que nous avons compris dans la division du nord-est). Ils établissent que, dans la production de la laine, la fabrication des lainages, l’industrie du fer et de la fonte, les tanneries des cuirs et les manufactures de coton, cette région livrait à la consommation intérieure, en 1840, pour 102 millions de dollars (535,500,000 fr.), tandis que tout le reste de l’Union ne fournissait dans les mêmes articles que pour 23 millions de dollars (130,750,000 fr.) ; que par conséquent la protection était trop ouvertement établie en leur faveur ; que cette protection devait nécessairement agir à l’étranger de manière à nuire à l’exportation des produits agricoles des états moins bien partagés sous le rapport de l’industrie. Les débouchés, ainsi paralysés, ne seraient pas, au reste, le seul de leurs griefs, car les droits élevés en moyenne à 35 pour 100 imposaient les consommateurs des états agricoles d’une somme énorme au profit des états du nord-est.

Au reste, ce système entraînerait des conséquences qui n’avaient pas été prévues. Les états producteurs de coton feraient en sorte d’établir des manufactures rivales de celles du nord. L’agriculteur de l’ouest en ferait autant pour ses laines, et chacun voudrait élever les animaux domestiques et cultiver les céréales qu’il avait coutume