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Ces droits, bien inférieurs à ceux que l’état de Pensylvanie avait établis en 1785, avant que le congrès fût investi du pouvoir, n’étaient aussi légers que sur les produits manufacturés ; les matières premières étaient imposées en raison inverse, car, par exemple, les articles fabriqués de coton et ceux de chanvre payaient 5 pour 100, tandis que le coton brut et le chanvre supportaient un droit fixe égal à 12 pour cent, et les objets de consommation générale, le café, les mélasses, le sucre, le thé, de 16 à 40 pour 100 ; le charbon, 10, le fromage 57 et le sel 75 pour 100. En même temps la navigation américaine était favorisée par un tarif différentiel énorme sur les droits de tonnage et de cabotage.

L’agriculteur et l’armateur crurent avoir tout fait après s’être protégés contre la concurrence étrangère, en se réservant d’obtenir à bas prix les articles manufacturés. Le tarif dura ainsi une vingtaine d’années, pendant lesquelles la navigation américaine, recueillant les fruits de sa neutralité au milieu de la lutte dans laquelle les puissances de l’Europe étaient engagées, contribua à développer la prospérité de l’Union ; mais, malgré toute sa puissance, l’Amérique ne pouvait pas éviter de prendre part au conflit. Le congrès, en 1807, fut obligé de proclamer l’embargo, et les états de la confédération se trouvèrent au dépourvu de tous les articles que leur fournissait la Grande-Bretagne, et dans le cas de réfléchir de nouveau sur l’importance que pouvaient avoir des manufactures nationales. La chambre des représentans ordonna, en 1809, la réimpression d’un rapport fait au congrès, en 1791, par le général Hamilton, sur l’état de l’industrie à cette époque, et chargea M. Albert Gallatin de nouvelles recherches sur la situation actuelle. D’autres travaux, exécutés par des officiers publics et résumés par Tench Coxe, estimèrent le produit total des manufactures américaines, en 1810, à 127 millions 69,602 dollars, ou plus de 670 millions de francs.

La guerre de 1812, survenue sur ces entrefaites, en achevant de fermer la porte aux produits étrangers, donna à l’esprit public une nouvelle direction vers l’industrie intérieure. Un capital considérable y fut consacré, et les manufactures prirent un développement immense, bien que passager, car en 1815 le retour de la paix fut le signal de leur ruine. Les ports étant rouverts, la Grande-Bretagne versa dans le pays une telle quantité d’articles fabriqués, que les marchés américains en regorgèrent. Beaucoup de maisons anglaises furent ruinées ; mais du même coup le manufacturier américain fut écrasé. Ce fut alors que la politique anglaise se révéla clairement