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leurs vives instances pour intéresser la diplomatie à obtenir des modifications, firent, pendant quelque temps, espérer que les États-Unis reviendraient sur cette grande mesure ; mais une nouvelle session du congrès vient de se terminer, et le tarif n’a pas été remis en question. Il est devenu ce qu’on appelle un fait accompli, et on peut, à cette heure, rechercher les causes qui ont déterminé cette résolution. Pour mieux l’apprécier, nous nous placerons, autant que possible, au point de vue américain. Ce n’est pas que nous fassions abnégation de ceux des intérêts de la France qui peuvent être compromis ; tous nos vœux tendent à ce que des concessions réciproques et équitables garantissent l’activité de relations commerciales dont nous croyons même que l’Amérique n’a pas toujours suffisamment apprécié la valeur. Dans cette rapide esquisse, nous avons principalement désiré suivre historiquement la marche des faits, des opinions, des sentimens, qui ont amené le peuple américain sur le terrain du système protecteur. Ce n’est pas la France qu’il avait en vue en formulant les articles de son nouveau tarif ; les enseignemens du passé faisaient désirer à l’Amérique de compléter son émancipation, en créant chez elle les forces productives qui doivent lui être utiles dans la guerre comme dans la paix. Nous ne dissimulerons pas que nous faisons ce vœu avec elle, et que, sous ce rapport nous pensons que la science économique n’a pas de vérités tellement absolues qu’elles ne puissent se modifier devant de puissantes considérations politiques.

Les impôts perçus au profit des gouvernemens sur l’introduction, la circulation, la vente, la consommation et la sortie des denrées et des marchandises, ont été généralement établis comme sources de revenu : c’est sous ce seul point de vue qu’ils sont encore considérés par les peuples qui sont restés à un état imparfait de civilisation, et chez qui l’étude des lois économiques n’a fait aucun progrès ; mais les nations éclairées ont reconnu l’influence considérable que les droits de douanes exercent sur le travail intérieur, la production et le développement de la richesse publique. Elles se sont servies de la puissance du tarif comme d’un moyen d’excitation pour les nationaux, et aussi comme d’un moyen d’affaiblissement à l’égard de leurs rivaux ; et avant de fixer le taux des droits à imposer, chacun des états s’est réservé d’examiner sous l’empire de quelles circonstances s’opère chez lui la production générale, et les différences qui peuvent exister entre sa situation et celle des autres états avec lesquels il est en rapport de commerce.