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il y a des promesses qui sont des espérances, et les espérances consolent. Autre part, M. Le Flaguais dit :

...... Mais le baiser de ma pensée,
Au moins tu l’as reçu, voluptueux mouchoir.

On conviendra que l’auteur de Marcel, dans ses amertumes, a de douces compensations.

À toutes les époques, M. Le Flaguais eût versifié ; il y a des vocations malheureuses. Seulement, au XVIIIe siècle, il n’eût rimé que de petits vers à la Dorat, et, sous l’empire, des épopées descriptives comme Parseval. Tout cela alors eût tenu son rang et fait une certaine figure : mais en montant dans les hautes sphères, le lyrisme contemporain a tué les petits poètes. Cet essor forcé, cette nécessité d’enfler la voix, ont fait illusion aux adeptes secondaires de la lyre, qui ont cru dès-lors avoir en eux tous les sentimens qu’ils chantaient après les maîtres. De là toutes ces ambitions olympiennes, toutes ces adorations du moi, qui, comme le reste, ne sont qu’un plagiat, le plagiat le plus triste de tous. Ainsi, toujours et partout nous retrouvons l’imitation sous les dehors de l’originalité.

On doit ranger M. Alex. de Saillet dans l’inépuisable classe des incompris, à la suite de M. Le Flaguais. Cependant j’aime encore mieux Marcel que Ciel et Terre[1]. En quelque région qu’on descende, à quelque espèce que l’on s’arrête, il y a toujours les minimi après les minores : il n’est si petit astre qui n’ait ses satellites. Dès le début, l’auteur de Ciel et Terre s’écrie avec un ton de maître :

Quand le poète parle, il doit être écouté.

Or, c’est donner tout d’abord un problème pour un axiome. À vrai dire, nous doutons que le public résolve la question au profit de M. de Saillet, quoique ses amis lui aient persuadé de ne pas priver le monde de ses petits chefs-d’œuvre. L’auteur ne s’est pas servi de la prose, parce que, selon lui, les idées y prennent des allures convenues : il a donc cru rencontrer une forme à lui en usant du mètre poétique ; mais, hélas ! pensées et expressions, rien n’est neuf dans Ciel et Terre. Ces sentimens peuvent être honnêtes, malheureusement ils sont partout ; mille fois ils ont été mieux exprimés. La poésie maussade de M. de Saillet est de celles qui n’ont aucune physionomie et dont on ne se souvient plus même avant d’avoir fermé le livre, qu’on a hâte d’ailleurs de quitter. Quelques accords gracieux, épars

  1. Un volume chez Édouard Tetu, rue Jean-Jacques Rousseau, 3.