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POETÆ MINORES.
Ma nature avec lui n’a rien de sympathique.

On s’en aperçoit de reste. Cependant, tant que l’auteur se borne à entremêler des démonstrations religieuses au récit de ses propres aventures, des hymnes sur les missionnaires de Chine à des malédictions contre Espartero, tant qu’il ne sort pas de la sphère des rêveries individuelles, il n’y a là que du ridicule ; mais à côté de ces songes inoffensifs, M. Guiraud laisse percer contre nos institutions, contre la société elle-même, des haines étranges qui doivent être relevées. Non, il n’est pas permis de dire que la révolution de juillet a été sans motif, il n’est pas permis de peindre ceux qui l’ont faite comme

S’en allant au château boire des vins de rois,
Et faisant châtier, par des mains mercenaires,
Sur un frêle berceau des torts imaginaires.

Ce n’est pas non plus à un membre de l’Académie française, d’un corps officiel et légal, qu’il appartient d’imprimer, même dans un poème intime, que le gouvernement de 1830 n’a répondu à la faim que par des balles à foison et des phrases de préfet. S’il est vrai que la poésie élève l’ame, comment M. Guiraud a-t-il été ramasser de pareilles calomnies dans les pamphlets pour en faire le thème de ses inspirations ? Le poète est entraîné par cet esprit de violence jusqu’à méconnaître et les bienfaits de la civilisation moderne et la légitimité même de notre organisation sociale. Dire que la science du gouvernement, c’est

L’art d’extraire de l’or des sueurs populaires ;

avancer que la société actuelle et nos barbares lois réservent le peuple

Aux ordures du bagne, aux hontes du poteau,
Et, pour dernière aumône, au glaive du bourreau,

c’est livrer la muse aux sectes incendiaires, c’est la traîner aux carrefours de l’émeute. Heureusement, il ne s’agit que de la muse de M. Guiraud, muse inconséquente et qui se fait démagogique tout en chantant l’aristocratie, tout en calomniant l’égalité.

On le voit, M. Guiraud a complètement méconnu, dans son nouveau livre, la nature et les vraies tendances de son talent ; ce qui lui convient, c’est l’élégie facile, molle, légèrement tendre, qui se complaît aux vers libres, et qui se tient à la sensibilité et à la grace. Il y a dans le Cloître de Villemartin tout un chant épisodique que je croirais volontiers de la même date que les Petits Savoyards ; M. Guiraud