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Voilà pourquoi l’impôt des barrières pèse sur le fermier du pays de Galles bien autrement que sur celui des comtés anglais. Cependant l’esprit de révolte ne s’est point circonscrit dans la classe des fermiers, il s’est répandu aussi dans la classe industrielle, et dans la population des mines et des forges, très nombreuse dans le pays de Galles. Les fermiers ont trouvé des auxiliaires tout prêts dans les masses d’ouvriers que la détérioration du commerce du fer avait laissés sans travail. L’Angleterre, ici encore, a subi la peine de cette concurrence effrénée qu’elle apporte dans toutes les branches de l’industrie. Pour le fer, par exemple, ce ne sont pas les marchés qui lui ont manqué, car les pays étrangers sont encore forcés de reconnaître sur ce point la supériorité de sa fabrication et de lui faire des commandes ; mais, pour un acheteur nouveau qui se présentait, il surgissait tout à coup cinquante nouveaux vendeurs, et pour un seul marché vingt nouvelles usines. On a justement comparé ces luttes avides de la spéculation aux batailles qu’on voit dans les rues quand on jette au milieu de la foule des pièces d’argent. Ainsi le commerce du fer en Angleterre, depuis quinze ans, loin d’avoir diminué, n’a fait qu’augmenter d’année en année, et cependant la ruine des fabricans a suivi presque la même progression. En 1827, l’Angleterre produisait 690,000 tonnes de fer brut ; en 1832, la production était montée à 750,000, et on considérait déjà cette augmentation comme énorme. Ce fut à cette époque que le système des chemins de fer commença à se développer, et ouvrit aux produits anglais de nouveaux marchés dans le monde entier. L’Amérique, l’Europe, l’Asie même, firent des demandes multipliées à l’Angleterre. Il y eut d’abord hausse de prix, puis redoublement de production ; mais la production ne s’arrêta pas, lors même que les demandes s’arrêtèrent, et elle alla toujours en augmentant jusqu’au moment où elle ne trouva plus de débouchés. En 1839, elle fut de 1,249,000 tonnes ; en 1840, de 1,400,000, et même en 1842, quand le commerce poussait de tous côtés des cris de détresse, et quand 190 forges et usines suspendaient leurs travaux, la production était encore de 1,220,000 tonnes. Ainsi, de 1826 à 1833, en cinq ans, l’augmentation ne fut que dans la proportion de 12,000 tonnes par an, ce qui fut considéré comme énorme ; mais dans les huit années suivantes, de 1832 à 1841, elle a été de 81,250 tonnes par an, et elle n’a abouti qu’à la ruine d’une grande partie des fabricans. La moitié du capital disponible de l’Angleterre a été, pendant ces huit années, enfoui dans les fondations de nouvelles usines. Une mine a été ouverte dans chaque montagne, des sociétés par actions se sont formées de toutes parts, et les spéculateurs ont agi comme si la demande extraordinaire qui se faisait subitement devait durer éternellement ; mais, les marchés une fois inondés, les chemins de fer une fois construits, la commande s’est arrêtée. Les usines, de leur côté, ont continué de produire à perte ; les plus solides ont résisté, les plus faibles ont succombé, et succombent chaque jour, et c’est ainsi qu’elles jettent sur le pavé des milliers d’ouvriers sans ouvrage.

C’est parmi cette population inoccupée et sans ressources que Rebecca a