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avaient obtenu par ruse et par violence, ils se gardèrent bien de vouloir l’accorder à d’autres, et ils firent défendre aux illustres disciples de Saint-Cyran d’enseigner une morale qui ne leur paraissait pure et sublime que dans les livres de Sanchez et d’Escobar. Mais je ne veux pas ici anticiper sur un sujet que je réserve pour une autre occasion. En vous rappelant des faits si connus, je n’ai eu d’autre but, monsieur, que de vous fournir un moyen de constater l’existence des jésuites en France par l’observation des mêmes symptômes qu’on avait remarqués dans les siècles passés. Si des ministres de Dieu, oubliant la charité évangélique et le respect que l’on doit aux églises, abusent de la chaire pour calomnier et pour insulter des hommes honorables, pour dénigrer l’Université tout entière ; si des ecclésiastiques, si des évêques accumulent dans des pamphlets ou dans des mandemems toutes les invectives, toutes les injures contre des professeurs que la France aime et respecte, ne reconnaissez-vous pas à ces marques le même esprit qui anima les prédicateurs de la ligue et qui inspira leurs successeurs ? Voilà les jésuites : je les reconnais à leurs œuvres, à l’abus qu’ils font de la parole de Dieu, à leurs violences, au trouble qu’ils jettent dans la société. Et il ne faut pas croire qu’il s’agisse ici de faits déjà oubliés, ni que les partisans de la congrégation aient cru devoir modifier leurs allures. Les faits actuels abondent, et l’on n’a que l’embarras du choix.

Lorsqu’après les mandemens des prélats les plus fougueux de France, après les injures quotidiennes dont les journaux ultrà-catholiques étaient remplis, parut le Monopole universitaire, du chanoine Desgarets, toute la presse s’émut des injures et des calomnies renfermées dans cet ouvrage, dont le style rappelle ce que les plumes jésuitiques ont jamais produit de plus déplorable. Pour atténuer l’effet que produisait ce livre, on commença d’abord par répandre tout doucement que c’était là une saillie individuelle ; on déplora partout le zèle aveugle qui avait animé l’auteur. À la chambre des pairs, les chefs du parti légitimiste firent allusion à cet ouvrage, et l’archevêque de Paris lui-même, allant visiter un de nos grands établissemens universitaires, prononça des paroles que les journaux ont répétées, et qui contenaient un blâme indirect des violences jésuitiques. Or, comme les réponses à ces attaques arrivaient précisément au milieu de ces demi-désaveux, et que d’ailleurs il y avait un nombre incroyable de personnes qui, sans savoir au juste ce qu’elles faisaient ni quels étaient les fils qui les dirigeaient, s’appli-