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LETTRES SUR LE CLERGÉ.

déploraient d’un ton doucereux certaines imprudences de leurs adhérens. On prêchait partout la paix et l’oubli, comme si l’attaque ne fût pas venue de la congrégation. Tant que l’Univers, la Gazette du Midi et vingt autres journaux ont insulté et calomnié les hommes les plus considérables de la France ; tant que M. l’évêque de Chartres et M. l’évêque de Belley ont lancé des mandemens contre l’Université, on n’a rien dit ; mais quand, depuis les Débats jusqu’au National, la presse s’est émue, quand on a senti que le pays était prêt à s’indigner, on a compris la faute que l’on avait commise, et l’on s’est donné l’air de victimes qui allaient être égorgées sur l’autel de la philosophie et de l’Université. Pauvres et innocentes brebis que les auteurs du Monopole universitaire, et de bien d’autres libelles semblables ! C’est toujours la fable du loup et de l’agneau. Pendant des années entières, la congrégation a dirigé ses violentes diatribes contre des gens qui ne s’occupaient point d’elle, et lorsqu’enfin quelques réponses fermes, mais polies, sont arrivées à ses oreilles, elle s’est mise à crier à la calomnie et à la persécution. Oh ! la bonne et plaisante invention ! Pends-toi, brave Escobar, tu n’étais pas là !

Que n’a-t-on pas dit contre les leçons que M. Michelet et M. Quinet ont données récemment au collége de France ! C’était vraiment l’abomination de la désolation ! On demandait la suppression ou tout au moins la suspension de ces cours où l’on avait la hardiesse de démasquer les jésuites. Le gouvernement a résisté à ces perfides conseils, et il a bien fait. Les néo-catholiques ont essayé d’étouffer violemment la voix des professeurs ; mais, quand ils ont vu que le gouvernement ne cédait pas, ils ont renoncé à un projet qui aurait pu amener de vives représailles, et l’agitation s’est apaisée. Comment, en effet, M. le ministre de l’instruction publique serait-il intervenu dans cette affaire, lorsque M. le ministre de la justice et des cultes n’a pas cru devoir intervenir dans les prédications qui, depuis plusieurs années, se font, dans tant d’églises de provinces et jusque dans Paris, contre plusieurs professeurs et contre l’Université tout entière ?

N’importe, il faut admettre que c’est l’Université qui persécute ses adversaires. Cela est si vrai, que le dernier dimanche de mai, dans une église située au centre de Paris, le prédicateur a demandé charitablement qu’on priât pour les jésuites persécutés et même pour leurs persécuteurs. À ce mot, monsieur, je m’aperçois de ma bévue. J’avais commencé par vous dire qu’il n’y avait plus de jésuites, et voilà que maintenant il faut prier pour leur succès ! Ils