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écuries en plein vent reçoivent les chevaux ; les voitures se rangent le long de l’hippodrome et deviennent les loges où chacun se prépare à voir le grand spectacle. Je ne suis pas connaisseur en sport, et je ne puis dire si la course de cette année a été belle. Dix-neuf chevaux ont couru, et le gagnant s’appelle Catherstone ; voilà tout ce que j’en sais. Le prix était de 4,500 louis. Comme le cheval gagnant était le favori, les pertes des parieurs n’ont pas été grandes ; mais j’ai ouï dire que, si le cheval Gaper, qui a balancé quelques instans la victoire, avait maintenu son avantage, son propriétaire, lord George Bentinck, aurait gagné 50,000 livres sterling ou plus de 1,200,000 fr. Dès la fin de la course, des pigeons sont lâchés, et des hommes à cheval partent pour annoncer à l’Angleterre entière le nom du vainqueur. On le sait ordinairement à Londres une heure après.

Mais ce n’est pas tout d’aller à Epsom, il faut en revenir. Le retour d’Epsom est un autre genre de course ; ce sont alors les postillons et les cochers qui luttent entre eux au grand péril de ceux qu’ils conduisent. D’innombrables accidens arrivent dans le trajet ; ce ne sont que traits qui cassent, voitures qui versent, chevaux qui se blessent ; n’importe : rien n’arrête le tourbillon. En arrivant à Londres, on trouve la population presque tout entière qui s’est portée le long des avenues de la ville, pour voir le défilé, et qui accompagne les plus intrépides de ses cris et de ses applaudissemens. J’ai vu les Anglais gais ce jour-là. On se demande beaucoup en France quels sont les meilleurs moyens d’améliorer les races de chevaux, il est clair que ce sont les courses. Une journée comme celle d’Epsom, en se renouvelant tous les ans, répand singulièrement dans toutes les classes la passion des chevaux ; on en parle long-temps à l’avance, on s’en entretient encore long-temps après. C’est de l’agitation pour l’amélioration des races, un véritable meeting. Qui peut évaluer ce qui se dépense d’argent et d’efforts pour gagner le Derby ? Il y avait cette année cent cinquante-six poulains inscrits. Chacun de ces précieux animaux a été élevé avec un soin infini, et la plupart d’entre eux deviendront infailliblement de très beaux chevaux. En toutes choses, les grands résultats s’obtiennent en excitant l’intérêt particulier, en provoquant l’amour-propre. Un million dépensé annuellement en France pour prix de courses ferait plus pour le progrès de nos races que tous les haras du monde. L’exemple des courses anglaises ne permet pas d’en douter.

Deux jours après Epsom, j’arrivais à Douvres à sept heures du