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influens et actifs ; ce sont eux qui ont forcé le gouvernement à émanciper les noirs. Quant au bill sur le blé, il alarme des intérêts plus puissans encore. Il ne s’agit pour le moment que d’une réduction à peu près insignifiante sur les blés et farines qui proviennent du Canada mais le parti agricole a vu dans cette réduction ce qu’elle est en effet, une tendance à réduire la protection exagérée qui couvre les céréales nationales, et il n’entend pas raillerie sur ce point. Sir Robert Peel a donc sur les bras en même temps, indépendamment de l’église d’Écosse et d’O’Connell, et les dissidens qui jettent feu et flammes contre lui, au sujet de l’abominable factories bill, et une grande portion de son propre parti, qui l’accuse presque de connivence avec les radicaux pour dépouiller les grands propriétaires de leurs revenus.

Cette double querelle a été dans toute sa force pendant le mois de mai. Le bill sur l’éducation n’a pas été discuté en parlement, mais l’agitation contre ce bill a été poussée aussi loin que possible. Treize mille pétitions, portant trois millions de signatures, ont protesté au nom de la liberté religieuse. En même temps, la question du Canada était agitée dans la chambre des communes. Le ministère a fait de grands efforts pour vaincre la résistance de ses amis ; lord Stanley, quoique malade, est venu aux communes prononcer un discours éloquent en faveur de la mesure ; sir Robert Peel a déclaré solennellement, dans une réunion de membres tories, qu’il donnerait sa démission, si le bill ne passait pas. Le bill a passé, mais une défection de plus de quarante voix tories a voté contre, et le ministère n’a dû son succès qu’aux voix des whigs et des radicaux qui se sont joints à lui sur cette question. De tels incidens ne constituent pas une position ministérielle bien forte. Malgré tout cela, sir Robert Peel est encore le maître ; il se maintient dans le rôle intermédiaire qu’il a si résolument adopté. Peu importe d’ailleurs. Quand même il tomberait personnellement, sa politique ne périrait pas avec lui.

Voulez-vous voir maintenant le lieu où se passent les scènes politiques, allons à la chambre des communes. J’ai souvent entendu des provinciaux se plaindre à Paris du peu de solennité qu’avaient à leurs yeux les séances de notre chambre des députés. Que diraient-ils s’ils voyaient une séance du parlement d’Angleterre ? Dans une salle longue et étroite, décorée avec une extrême simplicité, s’étendent deux rangées de bancs à droite et à gauche. Au milieu est une sorte de chaire où s’assied le speaker ou président, coiffé de sa célèbre perruque. Devant cette chaire est une table chargée de papiers. Sur