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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

l’occasion seule qui manque aux Anglais pour produire des œuvres d’un grand style. En attendant, l’exemple du salon de 1843 autorise à dire que l’art anglais n’est pas en progrès.

Les sociétés de beaux-arts ne sont pas les seules qui montrent leurs résultats au public à cette époque de l’année. Il en est d’autres qui ouvrent aussi des exhibitions non moins intéressantes et non moins recherchées. Telle est, par exemple, la société d’horticulture, dont le jardin est à Chiswick, à deux lieues de Londres. Tout Londres est matière à société. Ce qui est en France fondation publique est exécuté en Angleterre par une association de souscripteurs. Le jardin zoologique de Regent’s-Park, qui contient plus d’animaux rares que notre Jardin-des-Plantes, appartient à la société zoologique. Il y a de même une société géologique, une société asiatique, une société linnéenne, une société d’antiquaires, etc. La plupart de ces sociétés sont fort riches, tant par le nombre de leurs souscripteurs que par les autres sources de revenu qu’elles savent se créer. La société d’horticulture est une des plus florissantes ; elle a pour président le duc de Devonshire. Le droit d’entrée dans les jardins de Chiswick, le jour de l’exposition, se paie très cher. Une foule élégante s’y porte cependant, et on m’a assuré qu’il se fait quelquefois, ce jour-là, jusqu’à cent mille francs de recette. Il est en effet difficile de rien voir de plus délicieux que ce vaste tapis vert semé d’arbres rares, et où s’élèvent de distance en distance des tentes immenses remplies de fleurs. Là s’étalent les merveilleux produits de cette grande horticulture anglaise, qui exploite le monde entier par ses correspondances, qui a ses journaux, ses voyageurs, ses concours, et qui remue tous les ans plusieurs millions. La grande serre de Chiswick est surtout admirable ; c’est un immense palais de verre où les arbres des pays chauds peuvent prendre tout leur développement, et que décorent ce jour-là de véritables montagnes de fleurs éclatantes. Des milliers de promeneurs errent sur la pelouse, autour de ces serres et de ces tentes, au milieu de ces massifs d’arbres verdoyans, pendant que la musique des deux régimens de la garde joue des airs nationaux.

Quant aux sociétés qui n’ont pas d’aussi jolies choses à montrer, elles fêtent aussi le mois de mai à leur manière, par des dîners publics et des meetings. Toute association en Angleterre a au moins un grand dîner par an. J’ai assisté à un de ces banquets annuels ; c’était celui de la société établie pour venir au secours des hommes de lettres malheureux et qu’on appelle Literary Fund, institution