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une autre exhibition qui ne contient guère moins de quatre cents ouvrages. On y retrouve cette année tous les noms déjà connus pour leurs succès dans ce genre : Copley Fielding, avec ces grandes vues recueillies dans toute l’Europe, et qui rendent les dégradations de l’horizon avec un art si délicat ; Nash, avec ses intérieurs de vieux châteaux et de vieilles abbayes, aux détails si curieusement travaillés et à la lumière si bien distribuée ; Prout, avec ses rues et ses places publiques des villes les plus pittoresques du continent, Venise, Nuremberg, Munich, Rome, Rouen, Vérone ; Hunt, avec ses figures populaires ; Bartholomew, avec ses fleurs et ses fruits ; de Wint, avec ses paysages nationaux ; Cattermole, avec ses scènes animées : je ne pourrais les nommer tous. Sur cette salle plane le souvenir de Bonington, comme celui de Lawrence sur les portraits, celui de Chantrey sur les statues, celui de Wilkie sur les tableaux de genre, et la mémoire de ce grand artiste jette bien quelque ombre sur ses successeurs. Le spectacle des aquarelles n’en est pas moins, dans son ensemble, plus satisfaisant que celui des tableaux. L’art paraît stationnaire, ce qui n’est jamais un très bon signe, mais ce qui suffit pour le moment. Il y a à l’autre bout de Pall-Mall une autre société de Water colours, mais j’avoue que je ne l’ai pas vue. Celle dont je viens de parler est la plus ancienne et la plus estimée. Presque tout ce qu’elle contient a été déjà acheté par les amateurs.

Tel est en somme l’état des arts en Angleterre, autant du moins qu’on peut en juger par un rapide coup d’œil jeté sur deux mille ouvrages. La moyenne des talens est sensiblement au-dessous de ce qu’elle est chez nous, et le nombre des artistes éminens est aussi moins considérable. Quand on a nommé Landseer et peut-être Baily, on a tout dit. Il est vrai que les arts n’ont pas en Angleterre les mêmes encouragemens que chez nous. La grande peinture est tout-à-fait abandonnée, faute de commandes. L’état ne dépense rien pour les arts ; la religion nationale a des formes sévères qui repoussent l’imagination. Il n’y a donc de ressources que pour les paysages, les tableaux de salon, les portraits, genres faciles qui provoquent une concurrence énorme, et qui conduisent au métier par une pente à peu près irrésistible. On parle d’un projet qui serait une bien bonne fortune pour les artistes anglais. Il est question de décorer magnifiquement les salles du nouveau parlement. Voilà certes une belle occasion pour se montrer. De tout temps, la décoration d’un grand édifice public a marqué un pas dans l’histoire des arts d’un pays. Déjà, dit-on, beaucoup se préparent. Nous verrons bien alors si c’est