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à des débutans à peine sortis des bancs, à des écoliers qui n’auraient pas dû les quitter. La dernière campagne du jury n’offre à cet égard rien de nouveau, si ce n’est le degré du scandale. Il a eu cette fois la main malheureuse. Jamais ses admissions n’ont mieux réfuté ses exclusions, et jamais il n’a été aussi bien prouvé que sa manière d’opérer ressemble à une loterie. Quel autre nom donner en effet à un scrutin qui laisse passer trois paysages de M. Bidauld, et appose son veto sur ceux de MM. Corot, Huet, Isabey, Français, Menn, Loubon, Grésy, Legentile et Flers ? À qui persuadera-t-on que c’est par suite d’un examen réfléchi qu’on met au rebut la Messaline de M. Louis Boulanger, et qu’on installe honorablement l’Agrippine de M. Geslin ? Quelqu’un pourrait-il nous dire quelles sont les raisons qui ont fait décider que le Bailli conduit à la mort, de M. Bremond, que les toiles de MM. Couture, Dauzats, Baron, Eugène Devéria, ne méritaient pas de figurer à côté, par exemple, de ce Savoyard effrayant de M. Hornung, de cette bouffonne Barque à Caron de M. Bard, et de l’incroyable Napoléon de M. Mauzaisse ? Est-il certain que le portrait refusé de M. Hyppolite Flandrin eût déparé cette aimable collection de têtes dont l’exécution et le type se valent si bien ? Le talent de M. Antonin Moine est-il donc descendu si bas, qu’il n’ait pu être admis raisonnablement à concourir avec celui de M. Protat ou de M. Simonis ? Et M. Barye, qu’il suffit de nommer, est-ce sur des considérations d’art quelconques que ses animaux ont été moins bien traités que ceux de ses élèves ou de ses copistes ? Enfin n’est-ce pas à une pure fatalité qu’il faut attribuer l’ostracisme dont est frappé, depuis dix ans, M. Préault ? Ces faits n’ont pas besoin de commentaires. Ces énormes contradictions choquent le sens commun. On ne parviendra jamais à faire comprendre que ces hommes et bien d’autres, dont le nom nous échappe, ou qui cachent leur blessure, tous déjà et depuis long-temps connus par des succès, tous ou presque tous honorés de récompenses royales pour leurs œuvres, dont plusieurs ont été décorés des mains du prince, auxquels le roi et le gouvernement confient l’ornement des monumens publics, que ces hommes, à titres et à noms si honorables, soient tous les ans soumis, à la porte du Louvre, à un examen en forme, comme s’il s’agissait d’un concours d’école ; qu’ils puissent être discutés comme des élèves, recevoir des leçons et des punitions, être acceptés aujourd’hui, refusés demain, repris une troisième fois pour être ensuite repoussés de nouveau à la quatrième, le tout sans appel, à huis-clos, par un tribunal secret, par des juges dont on ignore le nombre, et dont les