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le paysage est calme et le ciel couvert ; c’est un bon temps et un beau pays de chasse. Il est difficile de rendre tout ce qu’il y a de poésie dans cet ensemble. Si l’on n’y retrouve pas l’inexplicable effet de regard et d’attitude du jeune Lambton, cet autre honorable du même âge, on y sent plus de bonhomie et de vérité. C’est la nature et la vie anglaise prises sur le fait, c’est le goût de la chasse, des chevaux et des chiens déjà personnifié dans l’enfance, l’enfance qui est si belle en Angleterre !

Ce tableau capital n’a pas, je ne sais pourquoi, tout le succès qu’il mérite. On lui préfère assez généralement à Londres un Agar et Ismaël d’Eastlake, qui est placé immédiatement à côté, et qui me paraît bien inférieur. Je n’ai pas besoin de dire que les portraits abondent au salon. L’Angleterre est le pays des portraits. Tous les trois royaumes sont là, lords et ladies, baronnets et esquires, charmantes miss et révérends docteurs, les M. P. (membres du parlement), les R. N. (marine royale), les M. A. (membres de l’académie), etc., etc., sans en excepter Dwarkanaut Tagore, ce banquier hindou fabuleusement riche, qui a été tant à la mode l’année dernière dans les salons de Londres, et qui a été si mal reçu depuis par ses compatriotes pour avoir eu commerce avec des chrétiens. Le portrait de la reine est, suivant l’usage, répété de tous les côtés ; les deux premiers portraitistes actuels de Londres, MM. Shee et Grant, ont fait chacun le leur, mais sans beaucoup de succès. Le meilleur portrait de Her Majesty est encore celui de Winterhalter. Parmi les autres portraits de M. Grant, on distingue celui de lord Wharncliffe, président du conseil privé, une grande toile assez bien couverte, et ce qu’il y a de mieux, en effet, dans cette galerie de personnages de tous les rangs et de toutes les conditions. Quant à M. Shee, ou, pour parler plus exactement, sir Martin Archer Shee, il est président de l’Académie royale et chevalier. Voilà tout ce qu’on en peut dire. Il a un talent convenable et qui ne paraît pas trop au-dessous de sa position, quand on oublie qu’il a succédé à sir Thomas Lawrence.

À propos de l’Académie royale, je dois dire que les plaintes qui s’élèvent tous les ans à Paris contre le jury d’exposition se renouvellent à Londres contre l’académie, et avec plus de force que chez nous. La chose est plus grave à Londres, car l’académie pourrait, à la rigueur, fermer les portes de la galerie nationale à quiconque n’est pas de ses quarante membres ou de ses vingt associés. Ces sortes d’établissemens ont, en Angleterre, un caractère privé qu’ils n’ont pas ici. L’académie est une association comme une autre, qui fait