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LE MOIS DE MAI À LONDRES.

environs se parent de toutes leur beautés, où Windsor offre aux promeneurs ses ombrages séculaires, Epsom ses courses, Richmond sa vue pittoresque, Chiswick ses belles fleurs, Hamptoncourt ses galeries, et Greenwich ces petits poissons exquis si avantageusement connus dans toute l’Europe sous le nom de white baits.

J’ai donc voulu faire comme tout le monde, et, au commencement du mois qui vient de finir, j’ai pris, moi aussi, la route de Londres. J’y ai trouvé tout ce que j’y cherchais, excepté le beau temps. Le mois de mai n’a été nulle part cette année, et en Angleterre encore moins qu’ailleurs, le mois aimable, lovely, que célèbrent avec tant d’amour les poètes anglais. Voltaire a dit quelque part que le mois de mai était l’emblème des réputations usurpées, et il n’a eu malheureusement que trop raison cette fois. Je ne sais pas s’il y a un soleil en Angleterre ; tout ce que je puis dire, c’est que je ne l’ai pas vu. J’ai fait la première épreuve du temps qui m’attendait en mettant le pied sur le paquebot de Calais à Douvres. La mer était détestable, le vent contraire, l’horizon chargé de pluie. Il a fallu sept longues heures pour faire un trajet qui en demande ordinairement trois. Il est vrai que j’avais eu le tort de m’embarquer, par esprit national, dans un des paquebots français qui font le service des postes entre les deux pays. Ce paquebot, qui a nom l’Estafette, est bien le plus détestable véhicule qui existe. Je le dénonce à la vindicte publique. J’ai eu la douleur de voir le paquebot anglais, parti en même temps que le nôtre du quai de Calais, nous devancer fièrement en mer et arriver à Douvres trois heures avant nous. Ajoutez que ce spectacle affligeant se reproduit à peu près tous les jours. Je ne puis comprendre comment l’administration des postes peut conserver, sur un pareil point, de si mauvais instrumens. Nous avons ailleurs des bateaux à vapeur égaux, sinon supérieurs, à ceux des Anglais. Nos constructeurs valent au moins les leurs, et eux-mêmes en conviennent. Comment se fait-il donc qu’entre les deux pays, sur le point où la communication est la plus régulière, quand les deux pavillons sont en présence tous les jours sous les yeux de tous les voyageurs de l’Europe qui passent et repassent le détroit, nous puissions accepter volontairement une infériorité si marquée ?

Mais oublions les ennuis du voyage et arrivons à Londres. Pourvu que la mer soit bonne et que l’on ne prenne pas le bateau français, on peut arriver aujourd’hui de Paris à Londres en moins de trente heures, par Calais et Douvres. Je doute que les chemins de fer ajoutent jamais beaucoup à une pareille vitesse. Dans tous les cas, les