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LE SALON.

ainsi que les artistes ont un peu contribué eux-mêmes, par le ridicule de leurs récriminations et par des démarches inconsidérées, à faire penser à beaucoup de gens que leurs plaintes n’ont aucun fondement légitime, au jury lui-même qu’il exerce son droit d’une manière irréprochable, enfin au public en général que cette institution est fondamentalement bonne et utile, et ne peut être attaquée que pour des motifs intéressés et par conséquent suspects.

Telle n’est pas notre opinion. Nous croyons au contraire que ce tribunal, tel qu’il est constitué, ne peut que faillir à la tâche qui lui est assignée. Nous faisons bon marché des motifs plus ou moins odieux qu’on met d’ordinaire en avant pour expliquer les scandales, les passe-droits, les abus de toute sorte contre lesquels on réclame. Ces motifs peuvent et même doivent exister quelquefois, car les membres du jury sont des hommes, et on peut, sans leur faire tort, leur supposer des préjugés, des passions, des faiblesses ; mais ce sont là de simples accidens qui ne sauraient seuls, quelque part qu’on leur veuille faire, rendre compte de ce qui se passe. Nous repoussons cette explication, d’abord parce qu’elle est injuste, et ensuite parce qu’elle empêche de chercher et de trouver la véritable. Pour nous, la cause de ces mauvais résultats est principalement dans les difficultés intrinsèques de la chose à faire, difficultés telles qu’aucune forme ou composition du jury ne pourra jamais y suffire complètement. Nous avons plus d’une fois exposé les raisons de notre manière de voir sur la mission du jury. Ses derniers exploits ne sont pas, certes, de nature à la modifier.

L’histoire du jury d’admission est peu connue. Il serait cependant intéressant de suivre cette institution depuis son origine jusqu’à son état actuel, pour se faire une idée juste de sa nature et de son but. Elle date de la république, et apparaît en même temps que les premières expositions véritablement publiques des objets d’art. Avant la révolution, il y avait aussi des exhibitions. Cet usage remonte au siècle de Louis XIV. La première eut lieu en 1688, dans la cour du Palais-Royal ; la seconde en 1699, au Louvre. Depuis, elles se renouvelèrent à des époques indéterminées et plus ou moins fréquemment ; elles affectèrent dans certains intervalles une forme périodique, annuelle ou bisannuelle. Pendant tout le cours du XVIIe et du XVIIIe siècle, le droit d’exposer au salon était le privilége exclusif des membres de l’Académie de Peinture et de Sculpture, fondée par le grand roi. Le nombre des exposans était donc nécessairement assez restreint, quoique cette compagnie fût beaucoup plus nom-