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UN
HOMME SÉRIEUX.

I.

Vers la fin de l’année 1834, peu de temps avant l’ouverture des chambres, un jeune homme de bonne mine et d’une tournure délibérée entra, dès le point du jour, dans la rue Jean-Jacques Rousseau, et se dirigea rapidement vers l’hôtel des postes. Il était enveloppé d’un grand manteau, précaution conseillée peut-être par la prudence et motivée d’ailleurs par la précoce âpreté de la saison. Une belle barbe brune, qui lui couvrait tout le bas du visage, selon la mode adoptée dès-lors par quelques lions du monde élégant, et la manière dont il portait son chapeau enfoncé sur ses yeux, achevaient de composer une physionomie mystérieuse qui, tant il est vrai que les extrêmes se touchent, pouvait convenir également à un conspirateur ou à un espion, à un débiteur persécuté ou à un amoureux en bonne fortune.

Après avoir parcouru du regard la vaste cour où il venait de pénétrer, et dont l’obscurité n’était dissipée qu’en partie par les becs de gaz auxquels les blafardes lueurs de l’aube commençaient à peine