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pour ne pas transgresser la limite de la légalité. Il est trop habile, et, servons-nous de ce mot sans lui donner une acception blessante, il est trop roué pour se laisser prendre en flagrant délit ; et il a aussi trop d’intelligence pour ne pas voir que, dans une lutte ouverte, il perdrait tous ses avantages. Toute sa politique, c’est de mettre le gouvernement en défaut, c’est d’être un embarras dont on ne puisse se délivrer sans devenir un ennemi qu’on ait le droit de réprimer. Sa tactique est d’acculer ses adversaires jusqu’aux frontières de la loi pour les forcer à en sortir les premiers. Rien n’est plus curieux que de le voir lancer et retenir à volonté les flots du peuple, et leur dire, comme Dieu aux flots de la mer : « Vous n’irez pas plus loin. » Quand il tient ses meetings de deux cent mille hommes et qu’il voit les soldats postés au milieu de cette foule pour y maintenir l’ordre, il les nargue et leur dit comme il le disait l’autre jour : « Je n’ai pas besoin de vous, car je n’ai qu’à lever la main pour les faire taire. »

On sait toute la latitude que les mœurs politiques de la Grande-Bretagne laissent à la liberté de la parole, à celle de la presse, et à celle des associations. M. O’Connell peut impunément, et en face de la loi, rassembler ainsi tous les élémens d’une révolte ; il n’aurait qu’à ouvrir la main pour les laisser éclater. L’ouvrira-t-il ? On peut dire à coup sûr que non. Il s’est toujours contenté, et il se contentera probablement encore de harceler le gouvernement, et de s’insurger jusqu’à la limite du riot act et des sommations exclusivement. Un homme trop connu parmi nous disait un jour : « Je vous montrerai ce que c’est qu’un prêtre ; » M. O’Connell pourrait dire à son tour : « Je vous ferai voir ce que c’est qu’un légiste. »

D’une semaine à l’autre, les affaires de la Servie, se sont successivement arrangées et dérangées. La semaine dernière, tout était réglé à l’amiable. Le prince élu par la révolution, Alexandre Kara-Georgevich, consentait à abdiquer et à se soumettre à une élection régulière, et ses deux ministres, qui avaient dirigé le mouvement, obéissaient à l’ordre du sultan qui les rappelait à Constantinople. Mais, cette semaine, on apprend un changement de scène. Il paraît que le peuple serbe, qui a fait la révolution, et qui l’a faite sérieusement, ne veut point laisser disposer de sa destinée sans son consentement. Il ne veut pas permettre que son nouveau prince abdique, et il se dispose, dit-on, à la résistance. C’est ce qui pouvait arriver de plus fâcheux. Dès qu’il a été bien arrêté que l’Autriche, la France et l’Angleterre abandonnaient cette affaire à la discrétion de la Russie, ce qu’on pouvait désirer de mieux, dans l’intérêt même du peuple serbe, c’était qu’une résistance inutile ne fournît pas de prétexte à une intervention armée. La Porte n’étant pas en état de la faire elle-même, c’est naturellement la Russie qui s’en chargera, et qui établira sa prédominance dans les principautés slaves d’une manière plus exclusive que jamais.


À voir le nombre de traductions publiées dans ces derniers temps, on ne sait en vérité s’il faut s’attrister ou s’applaudir. L’étude des littératures