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REVUE. — CHRONIQUE.

et elle consacrera la séparation absolue de l’église et de l’état. Le jour où le schisme s’est déclaré, le lord commissaire de la reine tenait un lever dans le palais de Holyrood. Un portrait du roi Guillaume, qui était suspendu dans la salle de réception, tomba et roula par terre. C’était le roi Guillaume qui avait conclu l’acte connu en Écosse sous le nom de règlement de la révolution, et qui reconnaissait l’église nationale. Ce puéril accident fut saisi comme un présage, et une voix s’écria : « Ah ! voici le règlement de la révolution qui s’en va ! »

L’état de l’Irlande empire de plus en plus, et l’agitation, régulièrement organisée par M. O’Connell, a pris un développement qui a appelé l’attention sérieuse du parlement anglais. Dans une de ses harangues passionnées, M. O’Connell disait : « On se moquait en Angleterre du cri du rappel, nous les avons bien forcés à s’occuper de nous. » On s’était, en effet, habitué à voir l’Irlande plus paisible depuis cinq ou six ans. Les whigs, et c’est une justice qu’on ne peut leur refuser, avaient presque réconcilié l’Irlande avec l’Angleterre. Leur politique libérale et impartiale avait à moitié fermé ces plaies saignantes de la conquête qui se rouvrent aujourd’hui. Ils rendaient, autant qu’il était en leur pouvoir, au parti irlandais dans son pays, l’appui qu’ils recevaient de lui dans le parlement, et de cette manière l’Irlande prenait patience, et attendait de meilleurs jours. En voyant, moins de deux ans après l’avénement d’un ministère tory, l’Irlande presque tout entière se soulever de nouveau, et le cri du rappel retentir encore dans toutes les montagnes, dans toutes les vallées et sur toutes les places publiques, on serait tenté d’accuser le parti tory d’un changement aussi subit, et de croire qu’il est retombé dans les excès qui ont rendu sa mémoire si odieuse en Irlande. Cette supposition serait injuste. Les hommes qui composent aujourd’hui le cabinet britannique ne sont point des tories de l’ancien régime ; ils sont des hommes de leur temps, aussi libéraux et plus éclairés que les whigs. Il ne faut pas oublier que le duc de Wellington et sir Robert Peel sont les auteurs de l’acte d’émancipation des catholiques, que lord Stanley et sir James Graham ont été membres du ministère de la réforme. Aussi sir Robert Peel est-il arrivé au pouvoir avec la résolution bien arrêtée de suivre, à l’égard de l’Irlande, le système de ses prédécesseurs, un système de conciliation et d’impartialité. Ses premiers actes ont témoigné de ce bon vouloir. En confiant la direction des affaires de l’Irlande à deux hommes très modérés, lord Elliot et lord de Grey, il a suffisamment caractérisé la politique qu’il se proposait de suivre, et, dans le parlement, toutes les mesures libérales qui avaient été prises par les whigs ont été continuées et renouvelées par le gouvernement conservateur.

Comment se fait-il donc, si le système du gouvernement n’a pas été changé, que l’état du pays soit subitement devenu si différent ? Cela tient à plusieurs causes. Et d’abord, le changement de personnes y a été pour beaucoup, bien qu’il n’y eût pas changement de système. Dans les whigs, les Irlandais avaient des amis ; dans les tories, ils n’ont que des neutres. Il n’y a pas eu aggrava-