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la création d’électeurs à mille francs, en rétablissant l’hérédité de la pairie, en reconstituant enfin l’élément aristocratique, reprendre sa place dans la direction des affaires, et forcer le gouvernement nouveau à compter avec lui. M. de Sémonville et après lui M. Mounier avaient, dit-on, soigneusement caressé cette idée, dont la tactique éminemment conciliante de la Gazette ne peut que hâter la réalisation. C’est là ce qui a été appelé la conspiration des en cas.

La Gazette, tant soit peu délaissée et se plaignant amèrement des tentatives souterraines faites pour lui enlever ses écrivains, dans le style d’une personne sur le retour qui se plaint qu’on lui prend ses amans, s’est mise à demander le rétablissement de la congrégation de l’Oratoire. Cette simple proposition a l’apparence d’une innocence qu’elle n’a pas. C’est encore une façon détournée de chercher de la popularité. La compagnie de Jésus et la congrégation de l’Oratoire n’ont jamais été cousines, comme chacun sait. Or, comme depuis quelque temps la Gazette a entendu la voix du peuple, qui est la voix de Dieu, s’élever de nouveau contre les jésuites, elle a trouvé le moyen d’y faire écho sans trop manquer à la confraternité de l’habit, en demandant à la chambre des députés le rétablissement des oratoriens.

Cette controverse est, nous le croyons, moins sérieuse qu’elle n’a l’air de l’être. La forme y emporte le fond. De l’autre côté de la Manche, les questions théologiques mordent plus avant dans l’esprit public ; les passions de secte sont dans les mœurs, et le peuple proprement dit les partage. Un grand évènement, une vraie révolution dans le sens spéculatif du mot, vient de s’accomplir en Écosse. C’est un chapitre que Bossuet, si Bossuet vivait encore parmi nous ailleurs que sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, pourrait ajouter à l’Histoire des variations du protestantisme ; c’est une subdivision de plus à ajouter à toutes les divisions qui ont déjà éparpillé, et, pour ainsi dire, émietté les églises et les sociétés issues du grand mouvement de la réformation.

Cet évènement nous a pris comme par surprise ; la nouvelle en est tombée parmi nous comme un aérolithe, Dans la France philosophique, dans la France sortie du XVIIIe siècle, on a vu avec un étonnement inimaginable cette résurrection, soudaine en apparence, des luttes religieuses que l’on croyait éteintes, ou du moins assoupies pour long-temps. En ce qui concerne la situation actuelle de l’église d’Écosse, cet étonnement était, du reste, assez naturel. Il nous était bien permis de rester étrangers et indifférens à ce qui se passait depuis quelques années dans les assemblées générales d’Édimbourg, quand, en Angleterre même, on ne s’en préoccupait que médiocrement. Nous n’avons sans doute pas besoin de rappeler que l’église d’Écosse n’a rien de commun avec l’église d’Angleterre, et que les deux pays ont chacun une église nationale et tout-à-fait distincte. Il y a même entre les deux églises une séparation plus profonde encore que celle qui existe entre l’église anglicane et l’église catholique, car celles-ci ont une organisation hiérarchique presque semblable et reconnaissent mutuellement un chef visible, tandis que l’église