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REVUE. — CHRONIQUE.

glantes qu’ils peuvent amener, occupent exclusivement les esprits. À l’intérieur, la quinzaine a été peu féconde. La chambre des députés a terminé la discussion sur la loi des sucres, et elle s’est prononcée pour le système de l’égalisation progressive de l’impôt sur les deux sucres. Cette loi a été discutée et votée au milieu d’un ennui assez général. Le ministère a soutenu mollement son projet ; il l’avait proposé pour se débarrasser des importunités et pour satisfaire tout le monde, les colons de la betterave en leur donnant une indemnité, les colons de la canne en supprimant l’industrie rivale. La majorité de la chambre, privée de direction, cherchait une boussole, et elle a pris au passage l’amendement de M. Dumon, principalement parce qu’il a été le mieux expliqué. La majorité a voté ce qu’elle a le mieux compris ; elle n’avait d’opinion bien arrêtée que sur un point, sur celui de l’indemnité. C’est ce précédent dangereux qu’elle n’a point voulu consacrer en principe, car une fois engagé dans cette voie, où et comment s’arrêter ? Chaque industrie supplantée par une industrie nouvelle aurait réclamé l’indemnité comme un droit ; les maîtres de postes, ruinés par les chemins de fer, ou toute industrie de main-d’œuvre remplacée par des machines, auraient revendiqué l’application du principe que la chambre a sagement fait de ne pas poser.

Le parti légitimiste a jugé à propos d’exposer aux yeux du public ses affaires de ménage. Sérieusement, nous trouvons que le gouvernement de juillet doit des remerciemens à la Gazette de France, car il est impossible de faire mieux que la Gazette de France les affaires de la royauté nouvelle. Si le parti légitimiste a jamais eu quelque force, cette force lui était donnée par les idées d’ordre, de conservation et de tradition qui s’attachent à la propriété territoriale, et dont on pouvait supposer qu’il avait gardé le dépôt. Par une singulière fatalité, ce parti n’a trouvé, pour représentant de ses idées, qu’un journal qui les a prises à rebours, espèce de Marseillaise en prose chantée par un prêtre. La séparation qui existait entre les véritables opinions du parti et le langage de son principal organe a été consommée par la création d’un nouveau journal à bon marché appelé la Nation, succursale de l’église paroissiale de M. de Genoude, fondé pour dire ce que la Gazette elle-même n’osait pas toujours dire. Les hommes sérieux du parti ont refusé d’aller aussi loin ; la Gazette de France, voyant qu’ils refusaient de se soumettre à sa dictature au petit pied, a essayé du système de l’intimidation, et a engagé une guerre en règle contre ce qu’elle appelle les influences et les importances, en d’autres termes contre M. le duc de Noailles et M. Berryer. La tentative a eu peu de succès. Le parti a senti que les importances avaient bien leur mérite à la tribune, le comité légitimiste s’est hâté de publier une adresse de condoléance à M. Berryer, laissant la Gazette se consoler avec l’assentiment unanime de la Nation. Malheureusement il n’y a rien de tel que les querelles de ménage pour les indiscrétions, et, de part et d’autre, on s’est trouvé entraîné à parler plus qu’on ne l’aurait voulu peut-être. Tous ces débats ont élargi la brèche. On dit, ce n’est pas nous qui le disons, que du côté des influences, il se forme peu à peu un parti qui veut, en rétablissant la base électorale par