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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mai 1843.


C’est l’état de l’Espagne qui est l’affaire du moment. Chaque jour, on attend des nouvelles, non plus de Madrid, mais de la Catalogne, car c’est là probablement que se décidera l’issue de la crise actuelle ; c’est Barcelone que le régent a choisie pour théâtre de la lutte. Bien que sa conduite semble très déterminée, Espartero n’a peut-être pas encore des desseins bien fixes ; une insurrection armée peut le conduire à l’établissement d’une dictature militaire, mais il n’est pas certain qu’il en cherche l’occasion. Ce qui fait le plus grand danger de la situation, c’est qu’il est absolument au bout de la voie constitutionnelle ; il ne peut plus faire un pas sans en sortir, et quand les ressorts sont tellement tendus, il est presque inévitable qu’ils se brisent. Le régent est donc placé sur la dernière limite qui le sépare des coups d’état. La dépassera-t-il ? Nous avouons que nous en doutons encore. Le vent n’est pas aux grandes choses, ni en bien ni en mal. Pour qu’il se fasse dictateur, il manque à Espartero deux choses : la santé et la volonté. Les décrets du 26, qui ont accompagné l’ordonnance de dissolution, sont assez caractéristiques de la situation. On voit que le régent ruse avec l’esprit de la constitution, sans oser en attaquer la lettre. En même temps qu’il dissout les cortès, il donne une sorte de satisfaction à l’opinion par l’amnistie ; en acceptant la démission de M. Lopez, il lui prend la moitié de son programme, et le premier acte du nouveau cabinet est la restitution de la contribution arbitraire imposée à Barcelone. Ces décrets sont une suite d’agressions et de concessions, de pas en avant et de pas en arrière. Par la dissolution, le régent provoque la révolte, et il en écarte les occasions les plus immédiates en rendant l’impôt facultatif. Pour dernier trait, Linage, dont M. Lopez demandait la destitution, est révoqué de la moitié de ses fonctions.

Il n’y a là, jusqu’à présent, rien qui sente le Bonaparte ; mais s’il est vrai qu’Espartero n’ait pas des intentions bien arrêtées de 18 brumaire, comment se fait-il qu’il ait poussé les choses à une telle extrémité ? Évidemment, il