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REVUE DES DEUX MONDES.

Les verges qui viendront, la couronne d’épine,
Les clous des mains, la lance au fond de ma poitrine,
Enfin toute la croix qui se dresse et m’attend,
N’ont rien, mon Père, oh ! rien qui m’épouvante autant !


Quand les Dieux veulent bien s’abattre sur les mondes,
Ils n’y doivent laisser que des traces profondes,
Et si j’ai mis le pied sur ce globe incomplet,
Dont le gémissement sans repos m’appelait,
C’était pour y laisser deux Anges à ma place
De qui la race humaine aurait baisé la trace,
La Certitude heureuse et l’Espoir confiant
Qui, dans le paradis, marchent en souriant.
Mais je vais la quitter, cette indigente terre,
N’ayant que soulevé ce manteau de misère
Qui l’entoure à grands plis, drap lugubre et fatal,
Que d’un bout tient le Doute et de l’autre le Mal.


Mal et Doute ! En un mot je puis les mettre en poudre.
Vous les aviez prévus, laissez-moi vous absoudre
De les avoir permis. — C’est l’accusation
Qui pèse de partout sur la création ! —
Sur son tombeau désert faisons monter Lazare.
Du grand secret des morts qu’il ne soit plus avare,
Et de ce qu’il a vu donnons-lui souvenir ;
Qu’il parle. — Ce qui dure et ce qui doit finir,
Ce qu’a mis le Seigneur au cœur de la Nature,
Ce qu’elle prend et donne à toute créature,
Quels sont avec le ciel ses muets entretiens,
Son amour ineffable et ses chastes liens,
Comment tout s’y détruit et tout s’y renouvelle,
Pourquoi ce qui s’y cache et ce qui s’y révèle ;
Si les astres des cieux tour à tour éprouvés
Sont comme celui-ci coupables et sauvés ;