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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

la fiancée de Robert Emmett. Peu de temps après eut lieu l’assassinat de lord Kilwarden. Emmett fut saisi comme un des chefs de la révolte, et expia sur l’échafaud ce que les Anglais nommèrent son crime. Dès-lors Sarah Curran était plus que la fiancée d’un patriote ; c’était la veuve d’un héros, et le peuple irlandais, en partageant sa douleur, en faisait presque un objet d’adoration et de culte. Elle mourut quelques années plus tard en Sicile ; mais Moore l’avait déjà immortalisée par ces vers qui se retrouvaient alors dans toutes les bouches :

« Elle est loin de la terre où dort son jeune héros, et bien d’autres soupirans l’entourent ; mais froidement elle évite leurs regards, et pleure, car son cœur repose dans le tombeau de son amant.

« Elle chante le chant étrange de ses chères plaines natales dont vivant il aimait tant chaque note. Ils sont loin de penser, ceux qui l’écoutent ravis, que le cœur de la chanteuse se brise.

« Il vécut pour sa bien-aimée, il mourut pour sa patrie ; elles seules l’attachaient à la vie, et les pleurs de sa patrie seront lents à sécher, et sa bien-aimée ne tardera pas à le rejoindre.

« Oh ! creusez-lui une tombe sous les feux du couchant, lorsqu’ils présagent un lendemain glorieux ; qu’ils éclairent son sommeil comme un sourire d’occident qui vient de sa chère île de douleur. »

Pas un évènement, pas un sentiment national qui ne se trouve fidèlement retracé dans les Mélodies irlandaises. Tout y est, depuis les guerres de Brien Borombe jusqu’aux stupides cruautés de lord Castlereagh, depuis la première invasion des Anglais sous Henri II jusqu’à la vente définitive et honteuse de l’Irlande par elle-même, achevée sous le règne de ce vénérable père de famille et roi têtu, George III. Les Mélodies eurent une action d’autant plus grande qu’il n’existait contre elles aucun moyen de répression. On avait pu jeter lord Cloncurry dans la Tour de Londres, on avait pu à chaque instant arrêter (on suspicion) des individus dans les rues de Dublin ; mais il eut été impossible, sans s’exposer aux plus graves conséquences, de toucher au poète populaire. Moore fut le barde des Niebelungen celtiques, l’Homère de cette Iliade irlandaise, et le peuple, qui aimait en lui son dernier espoir, ne se lassait pas de répéter ses refrains menaçans aux oreilles du « Saxon au cœur froid, » Combien de fois n’a-t-on pas vu rentrer vers le soir, dans les villes d’Irlande, des troupes de moissonneurs, beaux, vigoureux et pittoresques comme ceux de Léopold Robert, et qui, en passant devant un poste