passant dans cette partie écartée et abandonnée de la ville, avait dit : « Voilà une riante situation. » Quinze jours après, elle y trouvait un parc, un jardin, un château ; le galant roi la conduisait dans des salons richement meublés, et lui disait : « Tout ceci est à vous. » Ce château appartient à présent à M. le comte Zamoyski, qui y a amassé une quantité d’objets d’art du moyen-âge et une bibliothèque des plus précieuses. Au centre de la ville, au bord de la Vistule, est le château des rois, le Zamek, construit en partie par Sigismond III, agrandi par Auguste II, terminé par Stanislas-Auguste Poniatowski. C’est un édifice d’un caractère sombre, imposant par son enceinte et sa situation. Il m’a rappelé l’ancien château des grands-ducs de Mecklembourg que j’avais vu quelques mois auparavant à Schwerin C’était là que les nonces et le sénat s’assemblaient à l’ouverture des diètes. C’était là que les souverains de la Pologne recevaient les ambassadeurs des puissances étrangères dans une grande salle décorée de tableaux qui représentaient les principales époques de l’histoire polonaise. Le maréchal Paskewitch habite à présent ce palais des rois, et les appartemens réservés jadis aux serviteurs de la couronne, aux officiers des gardes, sont occupés par les employés de ses bureaux
Près de là est la cathédrale de Saint-Jean, monument gothique d’un goût exquis. La chaire surtout est un travail de sculpture d’une rare délicatesse. Douze statuettes charmantes, représentant les douze apôtres, ornent la balustrade. Douze dais légers s’élèvent sur leur tête. La rampe et le pavillon gothique qui la surmonte sont dessinés avec la légèreté d’une arabesque, ciselés comme un bijou, brodés comme une dentelle. Sur les murailles des nefs latérales, il y a une quantité d’inscriptions sépulcrales et plusieurs monumens funèbres, dernier témoignage de l’orgueil aristocratique qui se venge par son faste des rigueurs de la mort. Le plus récent est celui du comte Malachowski. C’est une œuvre de Thorwaldsen, bien connue des artistes. Le plus touchant à voir est le tombeau de deux princes de Mazovie, l’un évêque, l’autre guerrier, couchés tous deux sur leur froid cercueil avec leur mitre et leur casque, leur chasuble et leur armure ; l’évêque embrasse son frère dans la mort comme il l’avait embrassé dans la vie. Tous deux semblent s’être endormis du dernier sommeil à la même heure, et s’en aller avec la même affection et le même espoir dans un autre monde. À côté d’eux sont gravés plusieurs passages de l’Écriture sainte, expression de leur amour et de leur foi. Une douce pensée a présidé à l’érection de ce tombeau, et l’art du XVIe siècle l’a orné de ses gracieuses ciselures, le marbre employé à sa structure lui donne un aspect étrange et des teintes variées qui produisent un effet charmant.
Dans une petite chapelle de l’église des Capucins, j’ai vu encore deux monumens mémorables : à gauche, un sarcophage en marbre noir surmonté d’un sceptre et d’une couronne, et revêtu de cette inscription : Servandis præcordiis invictissimi principis Johannis III, Poloniorum regis, ob fusas sæpius Turcorum copias et liberatam Viennam ab obsidione, totius Rossiæ