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DES FEMMES PHILOSOPHES.

Néanmoins les Études sur les idées dénotent un certain mouvement dans l’esprit, et surtout une véritable élévation d’ame. Les intentions de l’auteur sont respectables. L’auteur voudrait attirer au sein du catholicisme tous les penseurs, et, pour arriver à ce but, il a entrepris de dresser une espèce de concordat qui pût être accepté tant par l’église que par la philosophie.

L’église et la philosophie sont deux puissances qui ratifient difficilement les transactions qu’on croit pouvoir dresser en leur nom. Ici d’ailleurs la qualité des négociateurs est bien faite pour éveiller de légitimes défiances. Nous avons vu deux femmes d’esprit, se jetant étourdiment dans les questions les plus ardues, aller souvent contre le but qu’elles se proposaient d’atteindre : nouvel exemple des dangers dont est semée pour les femmes la carrière philosophique.

Dans le choix des occupations littéraires, les femmes ne sauraient mettre trop de coquetterie. Il y a des choses qu’elles font mieux que les hommes, il y a des genres auxquels les destine la finesse de leur organisation ; c’est là qu’elles peuvent sans témérité se montrer entreprenantes. La part que leur fait la nature n’est-elle pas assez belle ? Connaissance du cœur humain, études des passions, peinture des mœurs, poésie, surtout celle que l’amour révèle, voilà, ce nous semble, d’assez puissantes attributions. La nature s’est chargée elle-même d’opérer une sorte de division du travail entre les femmes et nous ; il est dans l’intérêt de tous de ne pas la contredire. Atteindre l’originalité dans les matières scientifiques est pour les femmes un accident très rare ; tout ce qu’elles peuvent faire, c’est de comprendre et d’exposer les idées que d’autres ont conçues, et même dans ce travail, elles échouent souvent. Si elles écrivent sur la philosophie et la politique, on les verra défigurer les doctrines par des exagérations qui trahiront leur faiblesse. Elles se tromperont sur la nature des principes, elles en méconnaîtront la valeur, elles en confondront les rapports ; enfin, en commentant d’un style déclamatoire des thèmes usés, elles croiront écrire des choses nouvelles.

Rien d’ailleurs de nos jours ne sollicite les femmes à s’exposer à de pareils naufrages. Nous ne sortons pas de la barbarie ; nous ne sommes pas à ces époques de renaissance ou l’on a vu les femmes, s’associant au réveil de l’esprit humain, disputer aux hommes les palmes de l’érudition et de la science. Au moyen-âge, des femmes ont été docteurs en droit et professeurs de physique ; beaucoup savaient le grec et l’hébreu. À l’époque de la renaissance, un pareil